La première session de l’année du salon Maison&Objet 2023 a déjà concrétisé sa volonté d’évoluer vers un événement toujours plus responsable.
Les 24 tonnes de moquette de l’édition de janvier sont déjà parties entamer une seconde vie, les déchets ont été triés pour être recyclés. Quant à la signalétique ? Elle est pliée, emballée et stockée en attendant septembre. Depuis plusieurs sessions déjà, l’usage unique n’est plus de mise pour une grande partie des matériaux, accessoires et aménagements du salon. Affamés, vous avez ainsi pu reconnaitre dans le hall 3 le restaurant coloré qui vous avait déjà rassasié pendant votre précédente visite marathon. L’espace des Rising Talents est une page blanche qui revient à chaque édition désormais et sur laquelle s’écrit une histoire à chaque fois renouvelée. Ce sont ainsi de jeunes designers espagnols qui ont cette fois démontrer leur créativité dans cette écrin immaculé devenu un rendez-vous identifié et attendu.
Le taux de valorisation des déchets est passé de 38,48% en 2020 à 42,06% en 2023. Les avancées patientes et obstinées vers une organisation plus responsable sont aujourd’hui mesurées sur l’ensemble de l’activité du salon. Maison&Objet a pour cela recours à un outil mis au point par l’Unimev, l’Union française des métiers de l’événement. Il permet de suivre les performances de la manifestation en matière de réduction de son empreinte carbone. Cette analyse doit permettre de mieux évaluer les efforts faits mais aussi de mettre en lumière les points qui demandent des améliorations, de la production de déchets aux modes de transports des visiteurs. Sur la plupart de ces sujets, l’évolution est tributaire de celle des partenaires du salon.
Il s’agit alors d’inciter les visiteurs à utiliser les transports en commun – quand les grèves ne s’en mêlent pas ! - ou de sensibiliser des prestataires à ces nouvelles attentes. C’est toujours un travail de longue haleine puisqu’il peut impliquer de revoir une organisation, la communication, la logistique, des choix économiques ou tout cela à la fois. « La puissance d’un événement comme les Jeux Olympiques qui se tiendront à Paris en 2024 peut amener les prestataires incontournables du salon à accélérer leur démarche pour répondre aux critères très exigeants de la manifestation mondiale », fait remarquer Julie Pradier, responsable Stratégie & Market Intelligence pour la SAFI. “Plus vite, plus haut, plus fort“ et peut-être plus responsable donc !
En attendant que cette émulation porte ses fruits, des initiatives remarquablement inspirantes ont titillé la curiosité, suscité les questionnements et même l’enthousiasme sur le salon. L’association FabCity Paris entend agir sur l’économie circulaire et la résilience urbaine. Elle a coordonné pour la deuxième fois le partenariat noué avec Maison&Objet et dont le principe est simple : donner une seconde vie à une partie du bois récupéré au démontage de l’édition précédente. Huit créateurs sélectionnés ont eu deux jours et des outils – découpeuse laser, fraiseuse numérique … - pour transformer la matière collectée en pièces uniques. Quatorze objets ou pièces de mobilier ont été exposés en janvier avec succès. « La conception de chaque meuble a généré un fichier numérique qui permet de le reproduire en utilisant ces mêmes machines. Ainsi, on a pu proposer d’acheter ces fichiers à une personne qui souhaitait acheter 5 bancs pour un établissement en projet à Abidjan, ainsi qu’un accompagnement pour sourcer les matériaux, fabriquer sur place, faire les assemblages… C’est ce qu’on appelle le design distribué », explique Adrien Malguy , chargé de communication de l’association. Et ensuite ? « Nous avons récupéré en janvier pas mal de bois, de moquette, de coton, de signalétique pour FABCITY mais aussi pour le Stüdio Emmaüs », annonce Franck Baldini, directeur technique du salon. Il porte depuis le début ces initiatives qui en septembre devait donc s’ouvrir aux ateliers de design du mouvement caritatif et solidaire initié par l’Abbé Pierre.
Les lauréats de Future on stage, le nouveau tremplin d’accompagnement de jeunes entreprises remarquables de Maison&objet, sont souvent à la pointe de ces démarches circulaires. On retiendra pour cette édition celle, originale et bluffante, de Gwilen qui valorise les sédiments marins, ressource disponible en quantité importante et quo obstrue les ports, comme matériau de conception de carreaux muraux. La jeune pousse a mis au point un procédé peu énergivore et un produit dont l’aspect irrégulier et les 21 coloris obtenus par des teintes naturelles a un charme inédit et inattendu posé en crédence par exemple.
Du côté des exposants confirmés, Noma se distingue par une indéniable cohérence entre sa démarche d’éditeur et la conception de son stand sur le salon. La jeune maison affiche le pourcentage de matériaux recyclés utilisés dans le nom même des produits qu’elle propose : chaise Sen 66,9% de Sam Baron, collection Laime 42 de Charlotte Juillard … Pour les mettre en scène, la politique zéro déchet ou presque devient là encore une esthétique. Pas de moquette, mais un sol brut qui s’accorde bien avec le mobilier exposé. « En général, les gens ne le note même pas, ou alors ils comprennent que c’est brut et que cela correspond à l’identité de la marque », fait valoir Guillaume Gallois. Quant au choix et à la conception des aménagements, ils sont aussi guidés par la frugalité. « Sur nos premiers stands, poursuit le cofondateur de la marque, on avait créé un système d’étagères qu’on a reconfiguré deux ou trois fois pour le réutiliser et qui équipe maintenant notre showroom. Aujourd’hui, les grands panneaux dont nous nous servons sont faits à partir de bois récupéré chez un artisan avec qui nous travaillons. Et pour les emballages, on se sert au minimum de film plastique, on bouge nos meubles dans des couvertures élastiques ».
Le mouvement vers un salon plus responsable est comme dans ces exemples un mélange de volonté, d’obstination, de curiosité, d’inventivité, ce qui semble le plus simple s’avérant parfois le plus compliqué. Par quels matériaux remplacer par exemple le plastique et les cordons des badges que les exposants scannent pour conserver facilement les coordonnées des visiteurs ? C’est un des réflexions en cours pour septembre. To be continued…