Challenges et opportunités : quelles nouvelles perspectives pour le marché ?

État des lieux : des maux largement partagés 

Sur les 1 133 professionnels internationaux qui ont répondu courant octobre à notre questionnaire, plus des deux tiers annoncent le maintien ou la progression de leur chiffre d’affaires au cours des quatre derniers mois. C’est plus particulièrement le cas des prescripteurs. 75% d’entre eux déclarent un chiffre en hausse par rapport au baromètre précédent. La performance est d’autant plus remarquable si on prend en considération les difficultés auxquelles sont confrontés les décorateurs, architectes et aménageurs d’espaces. Une enquête française auprès d’entreprises artisanales du bâtiment (1) évaluait début 2023 la hausse des prix des matériaux à 27% sur 1 an.
Distributeurs et marques sont tout autant touchés par ces augmentations qui impactent les marges comme les ventes.  COVID, guerre en Ukraine, Brexit pour certains et surtout inflation - dont le baromètre Maison&Objet avait, en février 2022, déjà mesuré les effets considérables sur l’activité de tous les acteurs (2) - l’état des lieux confirme que ces maux restent largement partagés.
« Beaucoup de produits dépassent le prix psychologique de nos clients. Le panier moyen de 45 € à 120 € a subi une baisse très significative », constate un détaillant de l’Est de la France. « Aujourd'hui, le seuil de revenu à partir duquel on pouvait cibler notre clientèle se déplace vers le haut. (…)  On cible une clientèle avec un revenu de plus en plus élevé », déclare un professionnel de l’architecture d’intérieur. « Cost of living is squeezing the middle of the market out of luxury craft », renchérit la représentante d’une marque anglaise.
Au maintien, voire au progrès, des chiffres d’affaires mis en avant par les acteurs du secteur, il faut ajouter d’autres indicateurs qui soulignent leur résilience. Alors que fin 2022, le pessimisme était de rigueur, les perspectives pour les 4 prochains mois s’améliorent pour 37% des professionnels interrogés. Cette nouvelle édition de notre enquête confirme donc une relative reprise que le baromètre d’avril 2023 laissait entrevoir.
Coté Distributeurs, 33% des répondants français sont optimistes alors que cette proportion s’élève à 52% chez nos revendeurs internationaux. Coté Prescripteurs, cette disparité géographique est également notable : 29% d’optimisme parmi les Français contre 51% chez les internationaux. Enfin, côté Marques, 87% d’entre-elles prévoient de lancer des nouveautés dans les 4 prochains mois et témoignent d’un état des stocks stable.

LE DIGITAL EN QUESTION 

Au-delà des chiffres, le baromètre offre la possibilité aux répondants de s’exprimer plus largement sur leur ressenti du marché, sur des problématiques précises comme sur les solutions particulières que chacun peut élaborer. Parmi ces sujets, les canaux en ligne. Si le passage au digital ne fait plus débat depuis longtemps, des critiques émergent qui font écho à celles qui animent l’actualité internationale. On pense notamment à la plainte déposée par l'autorité américaine de la concurrence contre Amazon qui reproche à la plateforme de conditionner l'éligibilité des commerçants à "Prime" à l'utilisation de ses services de logistique "coûteux". Il s’agit aussi des modifications des règles ou des algorithmes de Facebook ou d’Instagram qui semblent laisser moins de place aux petits acteurs pour se démarquer ou impactent l’activité.
« Les référencements Google mis en place depuis 2015 sont largement favorables aux grosses structures », fait remarquer le représentant d’une marque belge de mobilier pour enfants. « Facebook prend parfois des décisions folles comme l'arrêt de votre compte », s’agace le propriétaire d’un site de E-Commerce lituanien. "Amazon est une concurrence déloyale (…).  Ils ont des pratiques monopolistiques tout en faisant pression sur leurs fournisseurs pour qu'ils obtiennent de meilleurs prix. À quand une réglementation au niveau européen ? » vitupère un acheteur espagnol. Beaucoup réclament plus de légifération et de règlementation, notamment sur les offres commerciales à répétition sur internet.
Notre secteur s’interroge aussi à juste titre sur l’IA et son impact sur nos métiers. « Nous souhaitons développer nos activités marketing en utilisant l'IA pour appuyer l'ensemble de nos communications. La demande constante pour créer du contenu de qualité est une nécessité permanente pour une entreprise tournée vers le numérique. » développe ainsi une marque de luminaires établie au Royaume-Uni. Du côté de la création, la méfiance est de mise: « Il y a de grandes chances que l’on penche vers une création générée par des algorithmes et donc vers un appauvrissement drastique de ce que l’humain a d’unique, c’est à dire sa capacité à créer », s’inquiète le fondateur d’une agence d’architecture parisienne.
Si les contradictions du digital sont mises en avant, ce vecteur de communication incontournable est aussi un moyen incomparable d’affirmer et de faire connaitre sa différence à un moment où les clients questionnent leur consommation.  À ce jour, 35% des marques interrogées déclarent s’appuyer sur les plateformes de référencement ou marketplaces BtoB. C’est dans cette volonté d’accompagner les acteurs du secteur que Maison&Objet développe de nouveaux outils digitaux accélérateurs de croissance, notamment la marketplace MOM, garantissant une qualité de produits et d’audience à l’image de son expertise. 

NÉCESSITÉ D’ÉDUQUER LE CONSOMMATEUR

« Il faut encore et encore éduquer le client final au coût réel des choses, que ce soit le coût de la main-d'œuvre, ou de la qualité », affirme un professionnel de l’aménagement d’intérieur. « Le marché est saturé d'offres, certaines à prix discount mais le client ne saisit pas la différence », abonde un architecte d’intérieur.
L’inflation ne favorise pas l’arbitrage en faveur de la qualité ou de la durabilité et accroit un dilemme pour le client souvent relevé dans nos précédents baromètres.
« Il y a toujours un débat éthique quand des artisans créent des produits originaux qui soutiennent un projet authentique de valorisation, utilisent des matières nobles pour assurer un produit de haute qualité et se font ensuite copier par des fabricants de masse qui inondent le marché avec des copies bas de gamme. » Comment protéger l'artisan, et comment sensibiliser les consommateurs ? Cela est clairement un défi bien spécifique à relever. », souligne une marque d’Afrique du Sud. Un des répondants suggère d’intégrer un « scoring » pour les produits. « C'est ce qui fera la différence face à des « néobazars » qui jouent principalement sur le prix. Sans engagement, la justification d'un prix plus élevé n'aura plus de sens », argumente-t-il.

SE DIFFÉRENCIER PAR L’EXPÉRIENCE 

Qu’il s’agisse de se faire connaitre, de capter une nouvelle clientèle ou de transformer la visite en acte d’achat, les solutions mises en avant plébiscitent la différenciation. « L'art consiste désormais à s'adresser au client avec ses cinq sens, à le conseiller individuellement (…) », prône un designer de produits munichois. « Il faut créer des histoires autour de chaque produit, créer des événements, invitation, démonstration culinaire… Les clients apprécient ce contact privilégié », assure un retailer suisse. Cette différenciation peut passer par une sélection de produits plus originaux. « Je suis toujours à la recherche de marques françaises ou européennes que l'on ne trouve pas en ligne, de qualité et d’originalité », raconte un détaillant indépendant. « Donnons notre temps à notre clientèle, elle nous le rendra par sa fidélité. Chaque client a besoin d'être reconnu et les boutiques de proximité ont un avenir assuré », professe enfin la responsable d’une marque familiale de parfumerie qui perdure ainsi depuis… un siècle. 

NOUVEAUX DÉBOUCHÉS, NOUVEAUX CLIENTS 

Le développement d’espaces de travail dans le résidentiel, le redéploiement vers des marchés étrangers plus dynamiques, la proposition de services nouveaux de coaching … Ces pistes explorées et évoquées dans l’enquête par les acteurs du secteur démontrent leur pugnacité et leur capacité à s’adapter et rebondir. Parmi les perspectives prometteuses figure le marché du bien-être. « […] Le bien-être est une tendance majeure au sein de notre société et de notre secteur. Nous avons un rayon bien-être dans notre magasin depuis plusieurs années, et actuellement, presque 15% de notre chiffre d'affaires provient d'articles de bien-être. La vente de ces articles continue de progresser ». Ce témoignage est une illustration parfaite de l’analyse du think tank américain Global Wellness Institute (3) qui prévoit au cours des cinq prochaines années une croissance mondiale de 9,9% par an pour ce marché qui devrait atteindre 7 000 milliards en 2025. « We have to move faster to enter the wellness business to capture the opportunities », proclame un designer de produit de Bangkok. 

Dans le détail, l’étude nous apprend que pour les revendeurs, l’offre actuelle se concentre sur des produits déjà très répandus : fragrances et parfums, cosmétique, produits d’entretien pour la maison. Ils sont proposés à la vente par 75% des détaillants. « Malgré une inflation en hausse et une baisse du pouvoir d’achat […], il reste de belles perspectives dans le secteur fragrance - et ce malgré un marché ultra-concurrentiel - pour des produits de qualités qui se différencient de la concurrence (contenant, contenu, univers…), et encore plus pour des produits à (s’) offrir », fait même valoir une marque française. 
Avec un quart des répondants qui les mettent en avant dans leurs lieux de vente, les produits holistiques, alimentaires, les accessoires de sport… dessinent cette vision bien plus globale du bien-être aujourd’hui qui porte cette expansion du marché.
Cette tendance est déjà largement intégrée par les prescripteurs qui, pour 78%, voient croître la demande pour des espaces de bien- être. 84% constate cette même appétence pour leurs projets hôteliers, 55% au sein des projets de restaurants et 64% au sein des projets d’aménagement de boutiques et d’espaces de ventes. Plus étonnant encore, 75% des prescripteurs déclarent intervenir sur l’ambiance sonore des espaces et 69% sur l’ambiance olfactive. Des besoins immatériels qui démontrent une envie bien concrète de bien-être. Comprendre et répondre au plus près à cette nouvelle attente, c’est tout l’objet du nouveau secteur WELL-BEING & BEAUTY inauguré en septembre sur le salon Maison&Objet Paris. De retour en janvier, il permettra de plonger, au sein d’un espace dédié, dans des expériences immersives et de découvrir tous les aspects d’une offre qui visent à adoucir notre quotidien. Comment résister à cette proposition ?

(1) Étude trimestrielle de la CAPEB et du cabinet Xerfi – 4ème trimestre 2022 - https://www.capeb.fr/
(2) Baromètre Maison&Objet – Février 2022 https://www.maison-objet.com/paris/le-magazine/tendances-deco/inflation-mondiale-comment-reagit-le-secteur
(3) Global Wellness Institute - https://globalwellnessinstitute.org/