Le Nouveau Luxe vu par… Charlotte Biltgen et Jean-Pierre Tortil

Comme Maison&Objet, In The City explorera le thème des Nouveaux luxe, avec la centaine d’adresses qui donnent le La de l’excellence parisienne. Charlotte Biltgen, architecte d’intérieur, et Jean-Pierre Tortil, directeur artistique de l’Atelier qui porte son nom, le pratiquent au quotidien. Avec une équipe de designers et d’artisans, Jean-Pierre Tortil conçoit et édite des pièces de mobilier, des tapis et des luminaires sur-mesure à l’intention d’une clientèle d’exception. «  Depuis quelques temps déjà, les clients se tournent vers le sur-mesure, le fait-main, l’exclusif. Ils apprécient les objets qui ont été faits pour eux, quand ce n’est pas même avec eux. Je dirais qu’un chantier est réussi quand le commanditaire revendique la paternité du projet. » Cette attitude a évolué avec le temps. « A partir des années 80, quand le design-roi a explosé, on cherchait des pièces emblématiques reconnaissables, qui puissent signer son intérieur et signaler son statut. Les Italiens dominaient le marché international, avec à la fois une organisation de production industrielle et une qualité de finition impeccable. Aujourd’hui, la France, qui a toujours conservé l’artisanat dans de petits ateliers, est plus armée pour répondre à la personnalisation. Les Français s’inscrivent dans la grande tradition des arts décoratifs, héritiers des célèbres ensembliers des années 30, 40 et 50. En dessinant leur propre mobilier, les architectes d’intérieur sont devenus des chevilles essentielles entre clients et artisans, c’est phénoménal. »

Architecte d’intérieur, Charlotte Biltgen porte beaucoup d’attention à la ligne de mobilier qu’elle édite, en plus des chantiers pour les particuliers et les restaurants qu’elle réalise. Elle a ouvert un show-room, boulevard de Courcelles, offrant un espace d’inspiration pour clients et prescripteurs. Outre l’esthétique du projet, c’est sur son histoire que se porte l’attention des acheteurs : « les conditions de production, le savoir-faire, la rencontre avec le créateur apportent une dimension plus profonde au projet. »   Avec ses règles sociales avantageuses pour les salariés, son art de vivre ancestral et sa démarche environnementale rigoureuse, la France apparaît comme un pays cher –c’est le luxe- mais véhiculant les bonnes valeurs. « Je remarque que l’on est moins dans le paraître. L’image est là, mais elle n’est qu’un premier niveau de lecture. Le luxe se vit aussi par le toucher, par l’expérience. De plus, mes clients cherchent la pérennité. C’est pourquoi j’essaie de mettre en valeur des matières exceptionnelles que la forme accompagne dans un juste équilibre. Si la forme dicte tout, comme pour les vêtements, elle sera vite démodée. La matière est toujours singulière et ne vieillit pas. » Charlotte Biltgen vient de concevoir trois tapis pour l’Atelier Tortil illustrant les multiples déclinaisons que l’on peut attendre d’un même dessin. Inspiré des éléments, terre et feu, parcouru de craquelures suggérant l’art japonais du Raku, le carton a été décliné par les artisans de Tortil en trois versions différentes, laine seulement ou avec du sisal et du coton, avec ou sans relief, comme autant de pistes de travail pour les décorateurs. A chaque fois, des émotions différentes : n’est-ce pas là la finalité du luxe ?

Photos : Atelier Tortil © Nathalie Baetens