Lobmeyr, le cristal en héritage
Publié le 6 octobre 2023
Présent à Maison&Objet depuis 2010, le cristallier Lobmeyr fête cette année ses deux cents ans. L’histoire de cette manufacture familiale est intimement liée à celle des arts décoratifs, une passion transmise de génération en génération.
Quand deux princes s’écrivent, que se racontent-ils ? Ce 18 janvier 1885, Rodolphe de Habsbourg, prince héritier d’Autriche, correspond avec son beau-frère, le prince hongrois Philippe de Cobourg. La missive concerne le cadeau d’anniversaire de leur beau-père commun : le roi de Belgique. Le fils de l’empereur François Joseph et de la célèbre Sissi écrit : « les très beaux objets en cristal de la manufacture Lobmeyr conviendraient très bien. C’est une spécialité autrichienne et le meilleur que notre industrie puisse produire. » Depuis que Josef Lobmeyr a fondé sa verrerie à Vienne en 1823, il a acquis une réputation d’excellence. En 1856, son fils Ludwig Lobmeyr crée le service de verrerie N°4 en cristal « mousseline », dont l’épaisseur varie de 0.7 à 1.1 mm. D’une extraordinaire modernité, pur et dépouillé, il figure toujours au catalogue de Lobmeyr, aux côtés du tout dernier en date, le numéro 286, signé de la Britannique Ilse Crawford, créatrice de l’année Maison&Objet en 2016.
5000 modèles de lustres au catalogue
Deux cent ans après sa création, la société est toujours familiale : chaque génération est restée fidèle aux fondements initiés par Josef : innovation du dessin, excellence de la main. Après Josef, Ludwig Lobmeyr brille aux grandes expositions universelles de la fin du XIXème siècle. Son neveu Stefan Rath fait travailler les artistes d’avant-garde du Wiener Werkstaette (l’Atelier Viennois), dont font partie Gustav Klimt, Oskar Kokoschka, Egon Schiele. Entre art nouveau et art déco, le groupe invente le design moderne avec des objets de tous les jours aux lignes géométriques simplifiées. Pour Lobmeyr, Josef Hoffman crée en 1912 la Série B, striée de lignes noires, puis le service Patrician en 1917. Ces chefs d’œuvre de la verrerie sont dans les grands musées du monde. Hans Harald Rath, quatrième génération, signe les 31 lustres et les 332 appliques du nouveau MET, l’Opéra de New-York, inauguré en 1963. Le jour J, on dit que les premiers applaudissements de la salle furent pour les luminaires en forme de galaxies étoilées qui se sont élevées vers le plafond en même temps que le rideau de scène. Avec 5000 modèles au catalogue, les lustres représentent la moitié de l’activité de Lobmeyr. Aujourd’hui, les trois cousins Andreas, Leonid et Johannes Rath ont succédé à leurs pères, Harald, Peter et Stefan. Tous ont grandi entre les ateliers, les salons d’exposition et la boutique historique du 26 Kärntner Stasse à Vienne. Porté par le renouveau de l’unique et de l’artisanal, Lobmeyr rayonne dans les institutions, les hôtels, les demeures privées du monde entier. De nouveaux designers enrichissent les collections, Matteo Thun, Max Lamb, Aldo Bakker, Michael Anastassiades. Impérial.
Par Caroline Tossan
Illustration ©Sarah Bouillaud
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