Deux frères réinventent l’approche des senteurs. Plus que notre corps ou notre maison, c’est tout notre quotidien que leurs parfums investissent.
En France, les élégantes villas bretonnes de la côte Atlantique ou de la Manche sont toutes baptisées « Ker » quelque-chose, ce qui signifie en breton « chez ». Les estivants occupent ainsi pour les vacances au bord de la mer la charmante KerMargaret ou la belle KerJannic. Dans le cas de Pierre-Alexis et Etienne Delaplace, les souvenirs étaient si vifs et heureux qu’ils ont voulu en retrouver le parfum. Leur maison à eux s’appelait Kerzon. Kerzon, c’est aujourd’hui le nom d’une élégante marque de parfums et de soins « qui permettent de se sentir bien chez soi ». « Les senteurs font partie des premiers souvenirs que l’on se crée, raconte Pierre-Alexis. Quand nous avons décidé de faire un projet en famille, le parfum nous a semblé une bonne idée car c’est une histoire d’enfance et d’émotion ». Les deux frères se lancent en 2013. Leurs profils sont complémentaires : Pierre Alexis est diplômé en design et a fait l’Ecole Nationale Supérieure des Arts décoratifs de Paris, il est graphiste et directeur artistique. Etienne sort d’une école de commerce et a performé quelques années dans le marketing. Kerzon, c’est une autre façon de produire du parfum. Dans leur petit monde intime, il n’y a pas que les bougies qui sentent bon. De la lessive et du liquide vaisselle aussi. Ils ne s’interdisent rien. Tout est assorti. Quand on aime une senteur et qu’on se l’approprie, on est libre de la décliner partout. Il existe des brumes à vaporiser chez soi et sur soi, des baumes pour les lèvres, des eaux de toilette, des crèmes pour les mains, du gel hydro-alcoolique à la glycérine et parfumé.
Leur premier produit est une pochette parfumée que l’on glisse dans le linge comme le faisaient nos grands-mères avec un bouquet de lavande. « Cet étui est comme un doudou. Nous l’avons conçu pour qu’il se transporte aussi dans le sac à main et dans une valise, afin d’emporter avec soi le parfum rassurant qui nous est familier », analyse Etienne, en charge du marketing. La pochette est en papier, illustrée par Pierre-Alexis. Pour accrocher le nez et le coeur, les jeunes entrepreneurs veulent aller plus loin qu’une senteur mono-fleur de rose ou de lavande. Ils lancent des appels d’offre à Grasse, la Mecque de la parfumerie, en Provence. C’est l’une des plus anciennes maisons, la bicentenaire Charabot, qui répond favorablement à la demande des deux novices. Leur brief : « il faut que ce soit poétique, joyeux et que ça sente bon ». L’esprit de Kerzon, c’est un quotidien sublimé, empreint de souvenirs comme une madeleine de Proust, un bouquet de fleurs, un embrun, l’odeur du café chaud, la brioche et l’amande, du parquet ciré, la peau de bébé. Parisiens d’origine, ils ont aussi voulu rendre hommage aux plus belles promenades de la capitale : le Luxembourg, les Tuileries, la Place des Vosges, l’île Saint-Louis... La gamme se veut « juste et honnête » : matières premières bio, packaging recyclable, pas de tests sur les animaux. Artisanale jusqu’au bout des doigts, Kerzon est aussi socialement responsable puisque les pochettes sont fabriquées dans un ESAT, un centre d’insertion pour adultes handicapés.
Commercialement, Kerzon maîtrise aujourd’hui tous les canaux qui s’offrent à eux. «Nous avions envie dès le départ de distribuer sur internet, chez des revendeurs et dans notre propre boutique, que nous avons installée dans le Marais à Paris en 2017. Nous avons commencé par Maison&Objet en Janvier 2014, et tout de suite nous avons fait plein de belles rencontres, des revendeurs mais aussi une communauté », se souvient Etienne. La start’up se lie d’amitié avec de jeunes maisons d’art de vivre qui leur ressemblent comme Papier Tigre, Maison Plisson ou Mathilde Cabanas, avec qui ils collaborent et partent en voyage. La famille s’agrandit. «Ça a été notre baptème, un monde s’est ouvert, enchaîne Pierre Alexis. Nos produits existent et en cinq jours des milliers de personnes sentent, touchent et passent des commandes. Nous revenons depuis deux fois par an ». Leur bon réseau de distribution facilite les ventes sur internet et vice-versa. Pierre Alexis : « La porte d’entrée est multiple. Si on possède une bougie, on s’achète une brume. Si on a besoin de sentir, il y a toujours un point de vente pas très loin ». « Sur le site internet, les senteurs sont évoquées par le visuel et les mots, décrit Etienne. Dans le choix du parfum il y a une grande partie d’imaginaire qui vient de l’histoire. On travaille beaucoup nos descriptions ». Quand le client ouvre la boite qu’il vient de recevoir il peut lire : « bienvenue dans la famille ». Une famille dont les membres se trouvent désormais répartis dans 17 pays, sur les cinq continents.
Par Caroline Tossan
Illustration © Sarah Bouillaud