À l’heure du tout numérique, une jeune marque réenchante l’art d’écrire.
Lorsque Claire Evrard s’est rendue pour la première fois à Maison&Objet Paris, c’était avec l’équipe de Kleenex. La célèbre marque de mouchoirs, dont les boites cubiques se retrouvent dans toutes les maisons, était venue spécialement d’Angleterre pour s’imprégner des dernières tendances en décoration intérieure. Claire Evrard est graphiste. Sa mission à l’époque ? Dessiner une boîte de kleenex aussi désirable sur le rayonnage d’un supermarché que parfaite sur la commode de l’entrée. Depuis cette première visite, la jeune free-lance est revenue trouver l’inspiration au salon de Paris tous les ans. Une aspiration est née : « un jour, c’est moi qui exposerai ma propre marque ici… »
Native d’Australie, Claire Evrard a travaillé dans le monde entier sur l’identité des plus grandes firmes internationales, de Pepsi à Colgate et de Nike à Mitsubishi. Elle a habité à Singapour, New-York, Londres. Ce n’est que lorsque sa famille s’installe sur les rives tranquilles du Lac Léman, en Suisse, qu’elle se décide, après vingt ans de bons et loyaux services, à délaisser le charme du branding corporate. C’est pour elle le moment de réaliser son rêve : créer sa propre marque de papèterie. Parmi ses références artistiques se croisent les bords irréguliers des collages de Matisse, les formes géométriques et les contrastes de couleurs des graphistes américians mid-century Saul Bass ou Paul Rand. Enfin les motifs de la finlandaise Marimekko, qui ont su si bien s’intégrer dans la vie quotidienne. À ce terreau culturel, elle ajoute son regard sur la beauté simple des paysages environnants, des feuilles du majestueux Ginkgo de son jardin, à l’architecture typique des chalets de montagne. Cet esprit naturaliste et coloré s’imprime sur des cartes, des cahiers, des carnets, agendas et gracieux éventails estampillés Common Modern et fabriqués localement.
Lancer une marque de papèterie, à l’heure numérique ? Justement ! « C’est un moment très excitant pour ce marché, balaye Claire Evrard. Nous observons un regain de popularité. Aujourd’hui, prendre le temps d’écrire à la main et envoyer une carte est un geste d’une grande attention, un cadeau personnalisé qu’un simple e-mail ne peut égaler. Ce phénomène participe d’une tendance plus large présente dans bien des industries, le « Slow Movement ». Ajoutez à cela le travail à la maison et le regain du cocooning, et je ne vois pas cette tendance faiblir de sitôt. » Ces dernières années, elle a noté l’émergence de jeunes marques créatives, les Français de Papier Tigre, les Italiens de Write Sketch & de Milan, les Danois de Notem Studio, les Belges Studio Flash… Humour, graphisme, simplicité, chacun marque son territoire à sa façon. Pour Common Modern, ce sera les dessins colorés et contrastés, teintés de féminité et d’élégance.
En Janvier 2020, Claire se retrouve de l’autre côté du miroir, ou plutôt de l’autre côté du comptoir de son premier stand à Maison&Objet Paris . Les questions l’assaillent : « serons-nous capables de nous démarquer parmi toutes ces marques déjà connues ? Notre stand est-il bien placé ? Je ne savais pas à quoi m’attendre », raconte la jeune chef d’entreprise. La première heure du premier jour, un grand distributeur pour le marché américain se présente, suivront les acheteurs de boutiques et de musées qu’elle admire et une sélection parmi les plus jolis stands sur le compte Instagram du salon. Claire se fait aussi de nouveaux amis, parmi ses concurrents et ses voisins d’allée. « Je n’aurais pas dû m’inquiéter. Même en étant une petite marque, même en exposant pour la première fois, il y a de réelles opportunités de réussite à Maison&Objet Paris. »
La pandémie a donné le temps à Claire Evrard de peaufiner sa stratégie marketing sur les réseaux sociaux. En septembre, Common Modern était présent à la Digital Fair de Maison&Objet. « Même si les vraies discussions avec des vraies personnes m’ont manqué, nous avons noué d’excellents contacts commerciaux pour les semaines à venir via la plateforme MOM (Maison&Objet and More). Je crois vraiment qu’il y a une place pour ce moyen de mise relation quand on ne peut pas se rencontrer physiquement. Rien ne remplace l’ambiance de ce que nous avons vécu sur place en janvier, les deux devraient fonctionner en tandem. »
Par Caroline Tossan
Illustration ©Sarah Bouillaud