Avec des matières simples et un trait de design, les luminaires de Ay Illuminate rendent hommage à l’artisanat traditionnel du monde entier.
Au salon Maison&Objet Paris, le stand Ay Illuminate est un havre de légèreté, où la multitude de luminaires en fibres naturelles transportent le visiteur dans un monde de sérénité. La suspension ONA, frêles tiges de bambou recouvertes d’un voile de soie ou de coton, signe l’ADN de la marque : simplicité, lignes pures et main de l’artisan. « Nous pensons que l’artisanat est l’âme d’une civilisation » dit la Néerlandaise Ay Lin Heinen. Ay Illuminate a conquis les décorateurs, les magazines et les plus beaux hôtels du monde. Le chemin, pavé de rencontres, de rêves et d’obstacles, aura pris vingt ans.
En 2003, Ay Lin, d’origine indonésienne vivant aux Pays-Bas, s’ennuie dans un service juridique. Sa sœur Ay Wen, salariée d’un service de ressources humaines, a la lourde tâche de licencier des personnes beaucoup plus âgées qu’elle. Fortes de leurs économies, les deux sœurs démissionnent, bien décidées à donner un sens à leur vie. Retour aux sources : direction l’Indonésie d’où elles rapportent un container rempli de sacs à main, chemins de table, cadres photos… « C’était amusant, mais pas de quoi monter un business sérieux, raconte Ay Lin. Ce fut un échec retentissant. » Selon leurs amis, un objet se détache pourtant du lot : une lampe. Ay Lin enchaîne : « Ok, faisons des lampes. » Direction le Vietnam pour trouver des lampes en soie.
Casper Heinen, le mari d’Ay Lin, alors cadre chez Polspotten, leur recommande de prendre un stand au salon Maison&Objet Paris. En 2004, les deux sœurs s’installent Hall 6, prêtes à conquérir le marché. C’est la douche froide. « Les visiteurs nous disaient : vos lampes sont jolies, mais pas originales. Il y a exactement les mêmes un peu plus loin, pour moins cher.» Le conseil est précieux : penser design. En 2007, Ay Lin poursuit seule, car Ay Wen jette l’éponge. Casper fait bouillir la marmite et lui laisse le temps. « En 2010, à Maison&Objet, j’étais la voisine d’un stand de céramique. Toute la presse et les acheteurs venaient les voir. Nous échangions des cafés et des chocolats avec leur designer : Nelson Sepulveda. » D’origine Chilienne, Nelson a fait les Beaux-Arts à Paris, où il vit et collabore avec de nombreuses marques. Pris d’affection mutuelle, ils entament une collaboration. Amoureux des matériaux simples, le designer aime le temps long. Ils s’envolent d’abord pour la Chine où il met en place sa méthode de travail préférée : s’assoir près de l’artisan, lui laisser la main pour bien comprendre son art avant d’ajouter le twist qui fera la modernité. « Je scanne chaque mouvement, dit-il, la progression nourrit mon imaginaire, je me branche sur sa fréquence avec beaucoup d’affection et de respect pour que le travail soit harmonieux. » D’autres pays ont suivi : les Philippines, l’Inde, le Bangladesh, l’Afghanistan, l’Eswatini (ex-Swaziland), l’Indonésie… Quelques luminaires sont fabriqués aux Pays Bas dans un atelier social. En tout, Ay Illuminate fait travailler 200 artisans. Casper a quitté son salaire et sa voiture de fonction pour gérer le développement de la clientèle mondiale, acquise uniquement à Maison&Objet. Tous les ingrédients du succès étaient enfin réunis.
Par Caroline Tossan
Illustration ©Sarah Bouillaud