Local hero

Ce sont les héroïnes d’histoires pleines de rebondissements et de rencontres.

Plus qu’une histoire, c’est une saga. A Nevers, les premiers faïenciers se sont installés à la fin du XVIe siècle. La première Faïencerie Georges a elle vu le jour quatre siècles plus tard, en 1926. Et aujourd’hui, Carole Georges et Jean-François Dumont, la quatrième génération, perpétuent tradition familiale et savoir-faire local… et les bousculent joyeusement. Si les illustrations souvent poétiques et actuelles sont encore peintes à main levée, des dessins facétieux et éclectiques ornent désormais les assiettes. Deux nœuds verts, la marque de la maison, et le poinçon dans la terre certifient toujours que toutes les pièces sont fabriquées et décorées à l’atelier. Autre changement, les créations du XXIe siècle sont adaptées aux usages contemporains, elles peuvent être utilisées quotidiennement… et passer au lave-vaisselle.
La première vertu d’une production ancrée dans un territoire de tradition est sa longue expérience des techniques et de la fabrication. Un gage de qualité que la manufacture portugaise Vasicol, installée au nord de Lisbonne, a voulu mettre en avant en changeant de nom en 2013. Devenue Maria Portugal Terracota, l’entreprise familiale affirme son appartenance à une région réputée pour ses terres cuites et salue le travail de sa fondatrice, Maria. Assiettes, vases ou tasses reprennent des formes et savoir-faire traditionnels qui rendent hommage à la poterie artisanale, tout en gardant à l’esprit l’influence d’un design contemporain.

Une famille, une région, une expertise : cette trilogie caractérise le plus souvent ces entreprises qui maintiennent une production locale et dont le rôle économique peut être majeur dans un territoire. Un territoire qu’elles s’engagent à protéger sur le plan écologique avec une exigence à la hauteur du lien profond qui les lie à leur environnement. Leurs fondateurs sont aussi experts de l’écosystème local. En Finlande, Lapuan Kankurit – les tisserands de Lapua – fabrique des textiles depuis 1917. Serviettes pour le bain, plaids réconfortants et torchons aux motifs subtiles et aux couleurs douces sont imaginés par des designers finlandais ou japonais de talent. La maison est réputée pour la qualité de ses produits et elle a de tout temps maîtriser l’ensemble des étapes de la chaîne de production et de commercialisation, du fil d’origine et au produit fini proposé en boutique en passant par le processus de tissage. Elle utilise le lin, le coton bio, la laine et le mohair ou encore le Tencel, une matière écologique conçue à partir de fibre de bois.
En juin, dans la région de Courtrai en Belgique, les champs de lin sont en fleur. La Flandre reste un endroit privilégié pour la culture du lin. Si la production de textiles à partir de cette plante y est aujourd’hui moins importante qu’au XIXe siècle, elle est toujours présente, tout comme la maison Libeco. Elle se montre très attentive à la qualité de cette matière première dont les qualités écologiques sont très appréciées et qui provient uniquement de cultures du nord de l’Europe. 160 ans d’expertise et un engagement local a aussi poussé Libeco à revoir ses modes de production. Le tissage est certifié neutre en carbone depuis 2014.

Christine Pfeiffer et Patricia Lejeune n’ont pas hérité d’Airborne, l’éditeur historique des fameux fauteuils AA. Elles ont repris en 2010 l’entreprise landaise en liquidation avec l’ambition de renouer avec l’excellence plutôt que de s’aligner sur les pâles copies qui envahissaient le marché. Résultat : les coutures de l’emblématique assise sont garanties à vie et la collection Impala ou la nouvelle table Miss Trèfle sont fabriquées avec la même rigueur et en France. Cette proximité est garante de la qualité des produits. Elle est aussi un argument de vente alors que les clients se préoccupent à nouveau de consommation locale et plébiscitent le Made in France.
Giorgio Bagnara n’a pas non plus repris l’entreprise familiale. Sans doute influencé par le goût du beau et de l’art de vivre dans lequel il a baigné depuis l’enfance, il s’est passionné très tôt pour un matériau noble et particulier, le cuir, et tout particulièrement les peaux d’exception utilisées dans le secteur de la mode. Son idée, novatrice : en faire la matière précieuse et séduisante d’une une collection complète d’accessoires et de mobilier. La maison Giobagnara, dont le savoir-faire s’étend aujourd’hui de la production d’objets, de mobiliers à l’aménagement de yachts, s’établit dès sa création à la fin des années 90 dans le port Gênes. L’arrivée il y a deux ans de Stéphane Parmentier à la direction artistique l’a remise au centre de l’attention, mais elle n’a pas bougé. Les artisans de la manufacture continuent de réaliser leurs prouesses et d’associer avec une élégance remarquable le cuir, le marbre et le métal dans la ville italienne qui bénéficie de la renommée internationale de cette production locale.