Comment allez-vous ? La phrase de politesse convenue a trouvé une nouvelle acuité au cours des derniers mois. Au cœur de la crise, c’est la question que nous avons posé à notre communauté. Entre état des lieux et perspective, il en ressort que l’immobilisme forcé nous pousse plus que jamais au mouvement et à la réinvention de nos métiers.
Il y a d’abord les faits. La crise est inédite, dans sa forme et dans son ampleur. Le confinement a touché près de la moitié de la population mondiale. Dans notre secteur, cela s’est traduit par la fermeture des points de ventes de 91% des enseignes, pour les boutiques comme pour les chaînes de magasins. Le maintien de l’activité, sinon le salut, est venu des ventes en ligne.
31% des revendeurs de notre communauté ont maintenu leur volume de ventes en ligne et 21% d’entre eux annoncent même une hausse. Un designer américain se réjouit ainsi de l’engouement pour ses produits destinés au jardin, un e-shop irlandais souligne l’embellie de ses ventes de jouets pour les enfants - qu’il faut bien occuper pendant le télétravail- et d’une notable progression de celles des jeux de sociétés- même si elle est loin de concurrencer les chiffres de croissance de Netflix. Adapter son offre aux nouveaux besoins fait partie des mesures accessibles et mises en place par 33% des revendeurs. Fin mai, la plateforme de création de boutiques en ligne Shopify annonçait des niveaux de ventes depuis la mi-mars comparables à ceux du Black Friday. La crise a été un puissant accélérateur du passage au digital pour nombre d’entreprises. A l’échelle de notre communauté, 22% des retailers déclarent avoir ouvert un canal de vente en ligne pendant cette période.
Le mouvement est inéluctable. Mais ce que les chiffres ne disent pas, c’est l’attachement de notre communauté au métier de commerçant, à l’interaction avec le client, à l’animation d’un lieu de vente. Autant de pratiques que la distanciation a mises entre parenthèses mais qu’elle rend d’autant plus désirables. Dans notre enquête, cette envie de retrouver et d’enrichir l’expérience en magasin est palpable et revendiquée dans les témoignages : « Proximité, convivialité, conseils et sourires sont bien plus importants que quelques euros en moins ! », « nous aurons le temps de servir les clients avec calme, un à la fois », « je sais que mes clients aiment toujours l’interaction, toucher les produits… et la vente en ligne nous aidera en attendant. » La convivialité et même la solidarité entre clients, revendeurs et grossistes sont valorisées. Elles se sont exprimées concrètement pendant le confinement, comme cette commerçante qui, avec certains de ses fournisseurs présents sur Maison&Objet, a pris l'initiative d'offrir aux soignantes d’un service de maternité des produits de soin pour les mains et qui conclut ainsi : « Il me semble que l'activité des commerces indépendants tiendra un grand rôle dans notre société, concernant les contacts, l'écoute, tout cela contribuant à renforcer l'amour de notre métier, face à une clientèle qui pourrait être désemparée face à la situation pathogène ! »
L’après ? La nouvelle réalité ? Alors que 70% des entreprises interrogées annoncent un chiffre d’affaires en baisse de 30 à 60%, 36% envisagent une reprise normale de leur activité et 39% y voient même « une opportunité de se réinventer ». Personne n’est dupe, ce ne sera pas facile, mais la nécessité tout autant que l’envie de faire évoluer son métier est là. En mots, elle se traduit par le développement d’un sourcing local, d’un « design simple », de choisir des productions écoresponsables, par la volonté de bien peser « le rapport qualité-prix » …
Dans ce contexte, le comportement des clients à court terme est la grande inconnue. Nos interlocuteurs imaginent tout autant une « boulimie » d’achats après les privations qu’une frugalité dans la consommation qu’elle soit choisie - l’ambition de bien consommer - ou subie – la baisse du pouvoir d’achat. Sur le long terme en revanche, 86% des professionnels que nous avons interrogés, retailers, architectes d’intérieurs, décorateurs, anticipent un consommateur qui accorde plus d’importance aux critères de production avec un impact social et environnemental positif accentuant une tendance déjà très forte. La nécessité de développer des espaces de travail adaptés chez les particuliers est en revanche une conséquence directe de la crise. « La plupart des collaborateurs de mon mari font des visio-conférences depuis leur chambre », constate une professionnelle de l’immobilier. « Il est primordial de pousser chacun à réserver un espace totalement isolé phoniquement et visuellement pour travailler chez soi, quel que soit l'espace, dès que le nombre d'occupants atteint deux personnes ! Parole de papa... », revendique un nouvel adepte du télétravail.
Alors que beaucoup d’entre nous n’ont eu pour horizon pendant cette période que les quatre murs de leur maison, 86% des personnes interrogées pensent que « se sentir bien chez soi sera de plus en plus important et que le budget alloué à l’aménagement de son intérieur va croître. » Une bonne raison d’être optimiste.