Après l’Espagne, les Rising Talent Awards reviennent en France ! L’occasion de révéler cette année le talent de sept jeunes créateurs, qui incarnent autant le futur du design qu’ils imaginent le design du futur. Ces talents « montants » se retrouvent à Maison&Objet pour présenter leurs pièces, futurs best-sellers d’un marché qu’ils œuvrent à transformer en profondeur. Rencontre à Paris, pour explorer les sept « vertus » capitales défendues par ces sept signatures engagées pour une révolution française du design !
« Ma créativité se nourrie complètement des arts décoratifs français », assume Hugo Drubray, architecte d'intérieur, designer et sculpteur né en 1995, « Je puise mon inspiration chez les artistes et artisans des 17e et 18e. Ma démarche est imprégnée de l’histoire de ces décorateurs, à l'image de Charles Lebrun et de ses intérieurs de Versailles. » S’il revendique cet hommage, Hugo Drubray s’inscrit néanmoins dans l’époque. En témoigne sa série de miroirs biseautés « Aux Arbres » que le designer basé en Seine-Et-Marne présente pour Maison&Objet. Les cadres, en hêtre ou en or jaune, blanc ou rosé, sont de véritables sculptures numériques, développées grâce aux technologies de pointe.
Les yeux curieux de nos Rising Talents ne se retournent pas seulement sur un héritage franco-français, mais se nourrissent de la « Grande Histoire » du design qui transcendent les époques et traverse les continents. C’est au Brésil que Tim Leclabart a puisé l’inspiration pour « Curved » sa première pièce : « Cette table basse évoque mon séjour à Rio et traduit mon affection pour Oscar Niemeyer. La forme libre du plateau rappelle le toit de sa maison familiale, la Casa das Canoas. » En plus de ce voyage marquant, c’est un parcours auprès de galeries et d’antiquaires qui permet à Tim Leclabart, de côtoyer aussi bien le design historique que la scène contemporaine. Né en 1988, il ouvre son studio à Paris en 2019 et prépare actuellement un premier solo-show pour la galerie Mouvements Modernes. Pour Maison&Objet, Tim Leclabart présente des objets exclusifs qui incarnent une signature intemporelle où raffinement et références postmodernistes se conjuguent.
C’est nourris de cette histoire que nos Rising Talents s’affranchissent le mieux des codes et de l’académisme. Bousculant les conventions, ils empruntent tous les ponts et tournent à tous les croisements sur leurs trajectoires créatives. Un autre chemin se trace sous leurs pas, les pratiques et mediums se détricotent pour mieux se recomposer sous leurs doigts.
Lauréate du prix Rising Talent Craft décerné par Atelier d’Art de France et son Président Stéphane Galerneau, Jeanne Andrieu incarne cette génération osant toutes les hybridations. Ses céramiques tiennent plus de la sculpture que du design fonctionnel : « Il s’agit plutôt d’œuvres d’art ! » précise-t-elle.
« Celles-ci représentent des fragments de souvenirs et figurent un monde que je recrée à partir de mes études de la faune et de la flore autant qu’elles s’inspirent d’auteurs et de cinéastes fantastiques. » Née en 1995 et installée dans la Drôme où elle parfait sa technique à la Maison de la céramique de Dieulefit, Jeanne Andrieu entretient un rapport intime avec son matériau de prédilection : « Personne malentendante, je vis dans une bulle. Cela bouleverse mon rapport au temps. Le travail de l’argile traduit mon expérience de la solitude et me permet de créer un contact tangible avec ce qui nourrit mon imaginaire. » Pour Jeanne Andrieu, Maison&Objet est l’occasion de présenter de nouvelles expérimentations techniques et recherches d’émaux.
Marque créée par Arthur Fosse et Samuel Perhirin, nés respectivement en 1997 et 1996, Passage opère pour sa part une synthèse subtile entre design et mode. « Nous sommes inspirés par des créateurs tels que Pierre Cardin et Raf Simons, qui ont également exploré la porosité entre ces deux disciplines » confie Arthur Fosse. « L'aura internationale de la mode française repose sur son souci de qualité et d'excellence, mais aussi sur sa capacité à transmettre des savoir-faire d'exception » poursuit Samuel Perhirin. « Nous observons cette même volonté dans le design. Il n'y a plus de distinction entre objet et vêtement. Pour Maison&Objet, la jeune maison dévoile les pièces de « Mise à l’eau », une première collection aux formes simples et aux matériaux durables qui composent un univers contemporain technique et ludique. « L'équilibre entre les pièces textiles et de mobilier permet de les considérer ici dans un ensemble cohérent, reflétant notre identité » conclue Arthur Fosse.
Convaincus que les prochaines générations de produits soumis aux défis de sobriété énergétique définissent de nouvelles normes esthétiques à explorer, nos Rising Talents investissent le terrain du design industriel d’un nouvel élan prospectif.
« Le design est un outil devant répondre strictement à l’amélioration de la vie du plus grand nombre » affirme Athime de Crécy. « J’ai plus d’estime pour un objet pratique que pour un objet beau » reprend-il, interrogé sur sa pratique. « Cette réflexion m’oriente naturellement vers le design industriel qui semble mieux comprendre la réalité du monde de la consommation. » Ainsi curieux de revisiter les objets du quotidien et d’explorer toutes leurs possibilités fonctionnelles et formelles, Athime de Crécy fonde son propre studio en 2022. Pour Maison&Objet, il présente « Here Jack », une table à rallonge et « CEB », un concept de scooter électrique explorant les nouvelles mobilités urbaines.
Bureau de design fondé par Sébastien Cluzel et Morgane Pluchon, nés tous deux en 1988, SCMP DESIGN OFFICE compte également remettre l’humain au centre en questionnant l’usage de ces objets de tous les jours. « Ces objets parlent de nous, de nos cultures et de nos manies » explique le duo. « Ce sont des objets qu’on aime, qu’on transmet, qu’on trimballe : ils font partie de nos vies ! , SCMP présente sur le salon une sélection de pièces prouvant la capacité du bureau à travailler à différentes échelles : la collection « GALTA » dessinée pour Kann Design, des suspensions pour Theoreme Editions, les lampes « DORVAL » de Lambert&fils et un set de verres à sake pour le fabricant japonais Kimoto Glass.
Repenser l’objet et sa consommation implique nécessairement de questionner tous les acteurs et toutes les étapes de la mécanique de sa fabrique. Au-delà de leur propre pratique créative, nos Rising Talents s’attachent à transformer les modes de production, maillon par maillon, d’un bout à l’autre de la chaine.
Benjamin de cette édition, né en 1995 Nicolas Verschaeve innerve sa pratique de ce regard porté non seulement à la production d’objets, mais à leurs espaces, à leurs représentations et à leur pensée. « Je définis ma pratique comme ‘’située’’ dans le sens où je l’envisage au plus près de là où le monde se transforme » explique-t-il. Une attention sensible, étendue à nos manières d’habiter une société en mutation, que Nicolas Verschaeve traduit dans la collection inédite de mobilier en bois tourné présentée à Maison&Objet. Produite avec une manufacture de manches d’outils, cette série cohabite ici avec des objets en verre, un ensemble de pièces en terre cuite et des assises en liège.
Pour Passage, la créativité ne peut plus, aujourd’hui, faire l’impasse sur une certaine forme de responsabilité. « Nous avons à cœur de préserver et valoriser les savoir-faire et les métiers d'art français, tout en répondant aux enjeux écologiques » défend Samuel Perhirin. « Cela implique une réflexion approfondie sur les matériaux que nous utilisons, leur origine, leur usage et leur mode de production » précise Arthur Fosse. La marque tente donc de contribuer, à son échelle, à cette réflexion en produisant par exemple son lampadaire « La grande perche », présenté sur le salon, avec l’Atelier Blam situé à Nantes et l’artisan-verrier Victor Stokowski, en région parisienne.
Les œuvres de Jeanne Andrieu réinterprètent la qualité sculpturale des plantes et coraux : « Leurs motifs, textures et couleurs infinis me fascinent » explique-t-elle. « Par l’acte de création, je souhaite pallier à la disparition d’un monde. Mes sculptures sont des fossiles figés entre rêve et réalité. » Si notre environnement se dégrade encore et toujours, la nature telle que recrée par Jeanne Andrieu demeure foisonnante et fantaisiste, forçant le spectateur/consommateur à ouvrir les yeux sur la perte de nos richesses naturelles.
Œuvrant en chercheur naturaliste, Hugo Drubray puise également dans les formes de la nature l’inspiration nécessaire pour composer ses pièces. Les contours organiques des miroirs « Aux Arbres » présentés ici évoquent des entrelacements de branches observés en forêt de Fontainebleau. « Le prinicpe de ‘’biomimétisme’’ est au cœur de ma démarche » précise-t-il. « Il s’agit aujourd’hui de puiser dans l'étude des processus de création naturels les solutions qui favorisent le développement d'habitats éthiques, respectant à la fois la nature et l'humain. »
Il ne s’agit pas d’un patrimoine figé mais d’un cycle de construction, déconstruction et reconstruction. En plus d’employer des matériaux durables et produits localement, c’est par la charge symbolique que leurs objets aspirent à vivre dans le temps.
C’est la philosophie d’un « design souvenir » qui anime ainsi la démarche de Tim Leclabart. Le créateur imagine des objets qui, en plus de leur fonctionnalité, ont une signification émotionnelle, pouvant résonner avec chacun. « Mes objets sont conçus pour être des souvenirs de voyages, d'événements spéciaux ou de moments importants de la (de ma) vie » explique-t-il. « Ce sont des artefacts, des morceaux d’une histoire passée et d’un avenir engagé, pratiques mais aussi porteurs de sens. »
D’un désir anticonformiste, Athime de Crécy observe le basculement vers une globalisation des imaginaires : « Les consommateurs aux quatre coin du monde veulent se sentir en prise et en mouvement avec une tendance globale. Un réel fait de design est de trouver aujourd’hui les agencements pour faire converger ce goût collectif avec les spécificités locales » précise l’ancien collaborateur de Starck.
« La force du design est d’être versatile, de pouvoir adapter ses méthodes à de nouveaux desseins. Aujourd’hui, la question est de savoir envers quel futur désirable il est souhaitable de diriger nos efforts » défend Nicolas Verschaeve. En 2016, en parallèle de ses études, le designer met donc en place un bureau de design itinérant qui le conduit encore aujourd’hui à habiter – le temps d’un projet – un territoire. « Ce dispositif me permet de suivre les lois de la matière, les gestes de ceux qui la transforment et les processus artisanaux ou industriels investis. »
Pour Sébastien Cluzel et Morgane Pluchon cette question sociale devient essentielle : « Le design du futur se doit d’être conscient et responsable de son implication dans la société et sur les personnes qui produisent ces objets. » Il n’est donc plus seulement question d’innovations techniques : « Il s’agit essentiellement de faire évoluer les mentalités. » Allier créativité et responsabilité pour l’avènement d’objets qui répondent véritablement à nos besoins, tel est le leitmotiv défendu par SCMP et unanimement partagé par leur co-lauréats de ces Rising Talent Awards.
Au-delà des impacts environnementaux nos Rising Talents n’omettent pas de prendre en compte les facteurs sociaux, économiques, culturels ou politiques dans la production d’objets plus que jamais « conscients ». Un réflexe certainement bien français : quand le design se fait citoyen.