Parmi des candidatures toujours nombreuses et plus internationales, le jury de la quatrième édition de Future On Stage a récompensé les très beaux projets de Tosco Studio, Anga et BlueCycle. Ces jeunes entreprises portugaise, française et grecque seront à découvrir sur le pavillon de FOS du 18 au 22 janvier 2024. Leur point commun ? Plusieurs temps d’avance sur l’innovation, le business et la créativité.
C’est quoi : Des objets uniques en béton « vert ».
Made in : Lisbonne.
L’histoire de la marque : A Alcântara, quartier branché de Lisbonne, un entrepôt jonché de pierres, de dessins, de pigments. Parmi eux, les tables, les vases et les étagères que Joana Esteves crée depuis 2019, en béton. « Nous avons une mentalité très standardisée quant à l’utilisation du béton, explique Joana, mon objectif est de prouver qu'il peut être noble, fin et esthétique. » Fan de l’architecte Gaudí, l’« artiste-designeuse » qui a suivi une formation en sculpture et design aux Beaux-Arts, pense « œuvres » plutôt qu’« objets ». Les comptoirs, éviers, carreaux ou luminaires de Tosco Studio sont donc issus d’un matériau lourd mais semblent aériens. À la fois forts et fragiles, bruts et polis, cambrés dans des marbrures bicolores qui épousent avec fluidité les inspirations de la nature.
Avant de transformer le ciment des chantiers en design organique, entourée d’une équipe de cinq personnes, Joana Esteves a travaillé six ans dans une agence de publicité. Souhaitant quitter le bureau pour une activité plus manuelle, elle explore diverses techniques artisanales quand un ami architecte lui parle du ciment. C’est une révélation. S’il a mauvaise réputation en termes d’émissions carbone, le béton est le matériau le plus utilisé au monde. « Nous devons donc l’améliorer ! Nous travaillons avec une cimenterie qui développe des formules moins polluantes. Nous réutilisons l’eau usagée, récupérons des roches jetées par les entreprises du bâtiment et nous recyclons nos pièces en agrégat terrazzo. » Eureka, la clientèle de Tosco Studio s’étend déjà en Espagne, en France, en Italie, aux USA et au Canada.
L’idée innovante : Donner de la noblesse et un coup de green au ciment.
Le produit-phare : Les plateaux de tables hautes et basses aux formes douces et pop : fleur, banana split ou vinyle.
L'INTERVIEW
En quoi Tosco Studio est-il révolutionnaire ?
Joana Esteves : Le but de mes recherches était de trouver une matière qui permette une liberté totale pour travailler les formes et les couleurs. J’ai mis du temps. Après de nombreux tests, j’ai acheté un sac de béton. Ce fut une révélation ! J’ai pu m’exprimer pleinement, jouer à l’infini avec les formes pour obtenir des résultats complètement inusuels et des rendus uniques. Donner de la malléabilité et de la finesse au béton utilisé jusqu’ici pour les gros travaux a été un défi créatif et technique grâce auquel j’espère avoir un peu « déstandardisé » les mentalités.
Que préparez-vous pour le pavillon Future On stage ?
JE : Nous allons exposer les tables basses iconiques de l’univers Tosco et quelques étagères inédites. Nous parions sur de nouveaux motifs ton-sur-ton ou les marbrés seront mixés à des couleurs unies. Et je sais déjà qu’en travaillant sur les pièces que nous souhaitons présenter à Maison&Objet Paris, nous trouverons de nouvelles idées !
Et après ?
JE : Nous avons de nombreux défis en cours avec des projets en phase d’approbation pour des systèmes d’étagères, de designs de tables et de nouvelles finitions dans nos mélanges de couleurs et nos motifs. Lorsque nous publions des nouveautés sur Instagram, nous recevons d'excellents retours, cela encourage à innover en permanence !
toscostudio.com
C’est quoi : Des plaques haut de gamme en PEBD.
Made in : Ile de France.
L’histoire de la marque : Alexandre Alimi s’est, comme tout le monde, pris un jour les pieds dans un plastique volatil. Sauf que cet élève de l’école Strate Design a l’idée d’en faire la matière première de ses créations. En fondant dans le four de sa cuisine ce déchet désuet (non ou mal recyclé), il découvre que le film fin et étirable devient extrêmement résistant. Il s’associe à Valentine d’Harcourt, étudiante à l’ESSEC et passe de la confection d’objets aux panneaux de construction. Peu toxique, le plastique volatil (PEBD) représente environ 40 % de la production mondiale ; les usines de recyclage sont à saturation. « Nous avons déterminé des gisements non captés, par exemple, les déchets de l’événementiel. » explique Valentine. Récupéré en Ile de France, transformé à Villeneuve Saint-Georges près d’Orly, le film plastique usagé est vu selon le précepte hindouiste « Anga » : « Percevoir les objets […] tels qu’ils sont. »
Que ce soit dans le mobilier (tables), l'architecture d'intérieur (plans de travail) ou la scénographie (revêtements), la valeur de ce qui n'en avait plus se révèle grâce au savoir-faire d’une équipe de six personnes. Disposés dans un moule en fonction des teintes recherchées, les matériaux sont fondus pour former une pâte qui sera pressée et rendra des motifs marbrés uniques. Sont ainsi développées depuis 2020 les gammes « volcanique » et « naturelle » et la demande est telle qu’Anga va devoir s’industrialiser pour suivre le rythme des commandes.
L’idée innovante : Créer le « marbre » éco-responsable du XXIe siècle en faisait fi des préjugés sur les déchets plastiques.
Le produit-phare : Le plateau Dune, beige et blanc, et Terre de lave, noir et blanc. Deux modèles qui vont être produits de manière industrielle pour créer du stock.
Le coup de buzz : Sélectionnés dans le top 30 under 30 du magazine Forbes, Anga fait parler d’elle à l’international comme l’une des start-up les plus innovantes au monde.
L'INTERVIEW
En quoi Anga est-il révolutionnaire ?
Valentine d’Harcourt : Alexandre Alimi a obtenu la recette d’une matière révolutionnaire qu’on présente comme du marbre éco-responsable. Nous sommes parvenus à combiner l’esthétique pour le marché haut de gamme de la scénographie ou du luxe, tout en restant bons techniquement et cohérents en termes de prix. Nous le proposons en panneaux pour des plans de travail, des crédences ou des surfaces dans les bureaux ou les salles de bains. Notre vocation est de révéler la valeur esthétique, économique et technique de ce qui était initialement délaissé et encombrant. En ne cherchant pas d’emblée la noblesse, la surprise a été belle !
Que préparez-vous pour le pavillon Future On stage ?
VdH : De grands plateaux uniques, colorés que nous allons fabriquer spécialement pour l’occasion et des plateaux aux finitions classiques. Nous allons également montrer le mobilier de bureau que nous sommes en train de concevoir avec Moore Design.
Et après ?
VdH : En mars 2024, nous rénoverons des chambres de la Villa Médicis selon un concept d’immersion marbrée. Aujourd’hui, nos moyens techniques permettent de réaliser des plaques de 130 x 130 cm, de 8 mm à 20 mm d’épaisseur, notre nouvel objectif est de produire des parois de 2m50 voire 3 m de long. Le challenge sera de travailler plus loin dans l’épaisseur et la densité du matériau tout en conservant de beaux motifs.
anga.fr
C’est quoi : Des objets 3D issus de déchets marins.
Made in : Athènes.
L’histoire de la marque : BlueCycle est un cercle vertueux relié à la mer. Il propose des meubles aux formes et textures inspirées de la vie aquatique, fabriqués à partir de déchets plastiques marins. Imprimés en 3D, des vases, des bancs et des chaises, des paniers donnent une seconde vie aux filets de pêche et au matériel d’expédition récupérés en mer Egée, directement dans le port d’Athènes ou sur 30 points de collecte grecs. Suzanna Laskaridis, la fondatrice se souvient : « En tant qu’Athénienne, les tas de filets de pêches ont toujours fait partie du paysage. Le Pirée est le premier port de Grèce, elle-même plus grande place de pêche d’Europe. Ma première démarche était de nettoyer la mer et ses îles. » Ce n’est que quelques années plus tard, en 2020, cherchant à réintégrer ce plastique dans l’industrie, qu’elle fonde BlueCycle. « Un problème est une opportunité de trouver des solutions, et donc, d’inventer. »
Huit employés naviguent entre le lab d’impression 3D et le lab’ de fabrication traditionnelle. « Dans le studio 3D, on peut faire tout ce que les méthodes traditionnelles ne permettent pas et le plus intéressant pour moi, est de combiner les méthodes. Avec les rebus de l’impression, on fait du terrazzo et avec ce Terrazzo nous allons… à suivre ! » Adepte lui aussi du design esthétique issu de la robotique, le studio hollandais The New Raw plonge avec BlueCycle pour une collaboration sur le long terme.
L’idée innovante : Transformer le matériel de pêche en un design 100 % circulaire.
Le produit-phare : La chaise Ermis, assise monolithique qui se caractérise par des lignes simples et ergonomiques. Fabriquée robotiquement avec un seul fil de plastique en spirale qui suit la géométrie et crée une texture graphique unique sur sa surface.
Le coup de buzz : Pas mal de presse et deux Green Awards en 2021. Une mirifique coquille, mystérieuse et enveloppante, a envoûté le show de présentation de la collection joaillerie de Louis Vuitton en juin.
L'INTERVIEW
En quoi BlueCycle est-il révolutionnaire ?
Suzanna Laskaridis : Détenir un objet qui rend quelque chose à la planète est réconfortant. Je suis sûre qu’il y a une solution pour tout scientifiquement, il faut juste prendre le temps d’y réfléchir. Après la transformation de vieux filets en pots ou en assises outdoor, nous préparons une série home ware qui attestera de nos nouvelles recherches : nous venons de trouver une technique pour combiner nos propres déchets avec deux autres matériaux.
Que préparez-vous pour le pavillon Future On stage ?
SL : Nous allons présenter notre future série d’objets pour la maison en partenariat avec The New Raw. Enfin, nous l’espérons car il faudra terminer à temps !
Et après ?
SL : Nous sommes en train d’élaborer une nouvelle série qui combinera l’impression 3D avec le terrazzo qui en est le dérivé, plus une troisième technique sur laquelle je préfère rester discrète. Nous verrons ce que cela donne, cela semble très prometteur.
bluecycle.com