Il vient de recevoir le Grand Prix de la Création de la ville de Paris, section design. Son moteur : puiser dans les racines de l’artisanat pour mieux le projeter dans le futur.
Le jury du Grand Prix de la Création de la Ville de Paris distingue la qualité d’un parcours, la stratégie de développement et l’engagement dans la transmission des savoir-faire et l’innovation. En outre, ce prix vaudra à Gregory Lacoua une mise à l’honneur particulière au prochain salon Maison&Objet Paris. Gregory Lacoua est un amoureux d’artisanat. Très jeune, il s’engage dans la voie de la tapisserie-sellerie, en passant un CAP puis en intégrant l’Ecole Boulle qui lui ouvre les portes de Domeau&Peres, éditeur de mobilier contemporain. En travaillant sur les prototypes de grandes signatures comme les frères Bouroullec, Matali Crasset ou Christophe Pillet, le jeune artisan s’ouvre au processus de création et se sent pousser des ailes. Il démissionne et est admis, à 24 ans, à la prestigieuse Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI-Les Ateliers) avant de créer sa propre agence, Studio Lacoua.
Gregory Lacoua a grandi dans une famille de chineurs. Très jeune, il est initié au démontage des objets, à leur restauration, au respect de la belle facture. Cette philosophie le guide encore aujourd’hui dans son questionnement créatif qu’il inscrit dans la durée : « je trouve logique de se demander ce que deviendront nos créations, dit-il. Nous laissons un héritage, une trace, un message. » Logiquement, le designer pense développement durable. « Les objets utiles et intelligents ont besoin de matériaux pérennes. Ils ont vocation à être transmis, certains seront réabsorbés et transformés. Nous avons la chance de travailler des matériaux nobles, j’essaie d’éviter les matières émettrices de CO2 comme le béton par exemple. » La durée, c’est aussi interroger le passé et donner du sens aux objets du quotidien. En 2007, il se fait remarquer en dessinant un étonnant tabouret-tapis pour Ligne Roset. Ouvert, il est plat, fermé, il prend comme par magie le volume d’un tabouret. « Cette création se voulait le témoin de l’histoire et de l’étymologie du mot tabouret, qui au départ, était un « tabour », un pied pour poser un tambour à broder. »
Chaque commande est pour lui l’occasion de se plonger profondément dans le passé et la symbolique. C’est le cas lorsqu’il travaille au réaménagement d’une chapelle construite à Paris en 1960 par Le Maresquier, un disciple de Le Corbusier, pour la congrégation des sœurs de l’Assomption. Il conçoit des bancs dont le plateau est surélevé de deux centimètres de leur support, figurant l’élévation spirituelle de la prière. « Le meilleur projet, c’est celui dans lequel on ne se contente pas de l’évidence, c’est celui où l’on bouge les lignes, avec une équipe à l’unisson, dit-il » Gregory Lacoua vient de dessiner la première collection de la maison d'édition Souchet Inspired Woodwork avec l’éditeur Nicolas Souchet, rencontré sur les bancs de l’Ecole Boulle. Nicolas Souchet a repris dans l’est de la France un atelier de menuiserie en siège de grande tradition qu’il s’emploie à faire passer au XXIème siècle. Alliant le meilleur de la technologie numérique à la sensibilité du travail de la main, cette première collection est un manifeste de l’artisanat de demain. « Je suis persuadé que sous Louis XVI, un artisan aurait adoré utiliser une raboteuse numérique ! » sourit Gregory Lacoua. Grâce à ces procédés, ils ont créé ensemble un guéridon dont les pieds en bois entrelacés tournent comme une danse. Un émerveillement.