British Capsule : l’Union Jack fait la force !

“Take-Care”

Dans un marché jusqu’alors traditionnellement global et qui se réinvente tout juste après le choc pandémique, le design semble plus que jamais ajuster sa focale sur le local. L’empire du design anglais, fort d’un vivier de surdoués que l’anglophonie invite volontiers à égrener les projets et les idées d’un bout à l’autre de la mappemonde, n’échappe pas à cet examen de ses pratiques. Sans cesser pour autant de ravir de leur talents les intérieurs de Mayfair à Dubaï, les six noms au casting de cette capsule réintroduisent l’idée d’un “collectible design” consacrant l’artisanat, les éditions-signatures limitées ou les pièces uniques.
 
Soigneusement composé par Jimmy MacDonald et brodant toutes les disciplines, ce patchwork maximaliste par la maestria de chacune des marques présentées n’en demeure pas moins conscient de nos inéluctables enjeux sociétaux. Les univers d’Altrock Surfaces, Bethan Laura Wood, Eley Kishimoto & Floor Story, Lee Broom, Lucy Kurrein et Thomas Hancock s’expriment ainsi dans leur singularité autant qu’en dialogue, dans une approche soigneuse et novatrice par la qualité des matériaux et le perfectionnement des techniques à l’oeuvre, en écho joyeux à notre thématique “Take Care”.

“Space-Time-Capsule” 

Une capsule spatio-temporelle d’abord, où le temps se suspend plutôt qu’il ne file – à l’anglaise. Ainsi les lignes sensuelles et organiques des assises rétro-futuristes de Lucy Kurrein nous évoquent-elles les épures fonctionnelles typiques des meubles “sixities”. Cette créatrice originaire du Yorkshire et spécialiste du tissu d’ameublement présente ici des pièces qui étonnent autant qu’elles détonnent dans un vaste portfolio où sofa et fauteuils prédominent. Ainsi découvrons-nous les audacieux tabourets de la série “Falabella”, nom emprunté au plus petit cheval des écuries de la race équine. Trépieds en contreplaqué, formant autant de petites architectures soignées, légères et modulables, les “Falabella” se chevauchent sur un plateau de bois nu ou rembourré et sont disponibles en blanc pigmenté ou teintés noir.
 

Le voyage se poursuit par une plongée au cœur du vortex texturo-formel d’un Thomas Hancock fraîchement diplômé en Contemporary Design Crafts du Hereford College of Arts. Combinant passion pour la couleur, expérimentation et artisanat traditionnel, ce créateur prometteur utilise des procédés et matériaux d’ordinaire confinés au monde industriel, en plus de calculer des variables toujours non ajustables dans son processus de production. Ses pièces sont ainsi toutes uniques, comme celles exposées dans la capsule : appliques magistrales et vases aux motifs chamarrés inspirés de la “Fordite”, un résidu de peinture automobile séché, découpé et poli. En résulte une illusion moderniste qui nous donne à voir des éclats céramiques, ou même les profondeurs abstraites d’une agate minérale, lorqu’il s’agit en réalité de pigments chimiques recyclés et incrustés sur métal. Arabesques nées de ce mariage de matériaux, de couleur et d’une certaines poésie mathématique, les motifs hypnotiques capturés par Thomas Hancock dans l’intimité de son atelier évoquent les images d’un curieux espace-temps, nous parvenant d’un télescope braqué sur le lointain cosmos.

“Experience-Capsule”

Du sol au mur, la capsule se fait sensorielle avec ELEY KISHIMOTO. Déployant trois pièces parachevant leur flair créatif, le duo semble être parvenu à atteindre l’alchimie subtile entre art, mode et artisanat. Développés pour FLOOR-STORY, Mecque londonnienne du tapis haut-de-gamme d’un Shoreditch en constante ébullition créative, les rugs “Flash Loop” et “Quilted Mirage” sont la parfaite synthèse de l’approche d’ELEY KISHIMOTO : un travail précis, clair dans l'intention et qui transcende la tendance tout en offrant une véritable expérience visuelle. “Flash Loop” réinterprète le design emblématique “Flash”, dans un coloris texturé de velours tufté offrant un saisissant contraste graphique. Avec “Quilted Mirage”, le contraste se mue en trompe-l’œil et apporte lumière et profondeur par un habile effet 8-bit pixel rétro-contemporain. Surface murale unique, “Graphic Fairytale” propose enfin un paysage brodé, émouvante ode à la culture japonaise qui agit également comme une rétrospective visuelle totale d’ELEY KISHIMOTO.

 
Vitrine autant que laboratoire, la British Capsule présente les pièces du designer industriel Robin Grasby développées avec Altrock Surfaces, prouesse expérimentale d’un marbre synthétique totalement récupéré et recyclé. Mis au point en 2018, cet exploit technique réemploie des fragments de pierre naturelle coulées à la main dans une farine de marbe et de résine permettant de créer des dalles aux tailles et coloris quasi-infinis. Les débris premiers proviennent de déchets collectés à toutes les étapes de la chaine de production marbrière, de l’extraction dans la carrière aux chutes et rebus de chantiers. Empruntant au marbre sa grâce autant que sa solidité, ce néo-terrazzo éco-friendly aussi polyvalent qu’un contreplaqué pourrait bien révolutionner l’architecture d’intérieure.

“Masterful-Capsule”

Maître du design luminaire mais aussi créateur prolifique de meubles et accessoires de luxe, Lee Broom expose pour la Britsih Capsule une sélection de ses sculptures brutalistes lumineuses parmi lesquelles l’iconique lustre “Vesper”. Cette suspension magistrale en aluminium doré brossé et sphères en verre d’opal réinterprète les géométries simples et motifs modernistes appliqués à un art de l’éclairage qui ne manque jamais d’une certaine forme de théâtralité. Cette touche fait de Lee Broom l’un des designers phare dont la marque éponyme de produits haut de gamme distribue ces centaines de pièces dans le monde entier.

 
Enfin, cette capsule ne serait pas complète ni tout à fait British sans les extravagances surréalistes d’une autre superstar de la scène anglaise : la grandiloquente Bethan Laura Wood. À la tête de son studio multidisciplinaire depuis 2009, les explosions technicolores de cette créatrice iconoclaste naissent de résidences, projets in-situs et rencontres avec les fabricants locaux afin de célébrer la richesse de toutes les cultures visuelles et matérielles. Ainsi en est-il allé de la création de “TERRAZZO”, la pièce présentée ici, fruit d’une résidence vénitienne à l’initiative de Poltronova. Inspirée par les marbres des palais de la Sérénisime, Bethan Laura Wood a développé un tissu en polyamide et élasthanne unique pour rré-enchanter l’un des canapés iconiques de la marque. La fantaisie chromatique compose ici un paysage psychédélique épousant parfaitement les rondeurs du bien nommé “Superonda” sofa.

 
Une capsule pour six univers qui chacun à sa manière, façonne la scène et la tendance, émergente ou établie, d’un design anglais résolument versatile et décomplexé, toujours à la pointe de l’innovation.