Sous l’impulsion de Rosita Missoni, une griffe de mode est devenue un empire du lifestyle
Lorsque Rosita Missoni passa les clés de sa griffe de mode mondialement connue à sa fille Angela, en 1997, elle songea un temps s’occuper de ses petits-enfants. Un temps. Mais cette femme solaire et joyeuse ne tenait décidément pas en place. Aujourd’hui âgée de 88 ans, elle est la directrice artistique de Missoni Home, l’une des premières marques de décoration italienne issues d’une griffe de mode. L’aventure a débuté en…1997, soit quelques sorties d’école après ce faux départ à la retraite. Je n’ai jamais l’impression de travailler » dit celle dont tout le monde loue l’incroyable énergie.
Missoni, c’est un style reconnaissable entre tous. Des motifs de fleurs multicolores, des kaléidoscopes graphiques et des zigzags colorés sur une maille qui a fait sa renommée. Ces zigzags ne sont autres que des motifs points de Hongrie, bien connus des brodeuses, mais aussi des décorateurs car c’est le dessin des parquets à chevrons anciens. Mode et décoration déjà… Rosita Missoni est née Jelmini, dans une famille de tisseurs originaire du village de Golasecca, dans la région de Varèse au nord de l’Italie. Ses parents, comme avant eux ses grands-parents, fabriquent des robes d’intérieur et des couvre-lits. Sa rencontre avec Ottavio Missoni, un bel athlète italien candidat au 400 m lors des JO de Londres en 1948, scelle son destin. Ottavio court vite, mais c’est aussi un jeune entrepreneur qui a dessiné les costumes de la délégation italienne. Ils se marient et créent ensemble en 1953 une marque de maille, bientôt repérée par la légendaire rédactrice Anna Piaggi, puis plébiscitée par la grande Diana Vreeland, directrice-star du Vogue américain. Rosita et Ottavio ont tricoté à quatre mains l’un de ces légendaires empires familiaux voués à l’élégance italienne, à l’instar des Ferragamo, Versace ou Prada. Chez Missoni, les couleurs et les motifs mélangés à l’infini parlent de joie de vivre, de moments partagés, de convivialité. D’art aussi.
Si Rosita décide de se lancer dans la décoration, ce n’est pas par hasard. « Elle a été l’une des premières à pressentir un mariage possible entre la mode et la décoration » raconte Patrice de Robillard, le directeur commercial français de la marque. Comme la mode, « la maison est univers vivant, en constante évolution » dit souvent Rosita. Habituée à changer d’optique en même temps que les collections de prêt-à-porter se succèdent, elle a coutume de bousculer ses intérieurs chaque saison. Lors de ses fréquents voyages, elle ne peut séjourner à l’hôtel sans jeter ses châles sur les fauteuils, et arranger les fleurs à sa façon. « J’ai toujours eu une grande passion pour la maison », dit-elle. La vie lui a offert quelques-unes des plus belles, de son appartement années 30 à Milan, à sa résidence parisienne jusqu’à la maison familiale de Sumirago, en Lombardie, près de l’usine où tout a commencé. La griffe produisait quelques tapis depuis les années 80. Lorsqu’elle se lance dans une collection complète, Rosita se tourne immédiatement vers son frère Alberto Jelmini, qui a repris l’entreprise familiale T&J Vestor. Elle souhaite une vraie technicité pour des tissus propres à la décoration. Si l’esprit est celui du mix and match des collections de mode, il faut entre autres des matières résistantes à l’abrasion et aux ultra-violets. La créatrice plonge dans ses propres archives avant d’agrandir ou de transformer d’anciens dessins. La maison Missoni idéale regorge d’œuvres d’art, de motifs et de couleurs. Les larges tables conviviales sont dimensionnées pour accueillir enfants et petits-enfants. La nature, en particulier les fleurs, y entre à profusion. Au premier rang s’affiche la passiflore, la clématite sauvage préférée de la maîtresse de maison. Les mélanges de rayures, pois, fleurs, couleurs, qui signent la silhouette Missoni, se transposent admirablement en tapis, canapés, coussins, poufs, rideaux, chaises longues et linge de lit. Ainsi Rosita est-elle passée des podiums aux grands salons internationaux. Chaque année, elle ne manque jamais un rendez-vous avec Maison&Objet Paris. « Dès les premières collections, nous sommes venus exposer à Maison&Objet Paris » raconte Patrice de Robillard. « Milan est un salon très orienté sur le meuble, nous y exposons car nous en produisons. Mais nous ne pouvons pas nous passer de Maison&Objet Paris qui est le temple de la décoration. Nous y lançons les collections. »
Par Caroline Tossan
Illustration ©Sarah Bouillaud