La troisième édition de Future On Stage distingue Repulp Design, Komut et Ostrea. Tous adoptent une démarche prospective vers des solutions de production déculpabilisantes pour des produits réconfortants. Comment ces trois entreprises de conception écologique ont elles présenté leurs innovations au salon Maison&Objet Paris du 7 au 11 septembre 2023 ? Réponse avec Victoria Lièvre, Philippe Tissot et Camille Callennec, entrepreneurs dirigés vers le minimum et l’autonomie avec une certaine idée du fondamentalement beau.
C’est quoi : Du design biodégradable fabriqué à partir d’épluchures d’agrumes.
Made in : Marseille
L’histoire de la marque : Victoria Lièvre et Luc Fischer, son conjoint, sont complémentaires. Elle est diplômée en design d’objet, il est issu d’une école de commerce. Avant de créer Repulp Design, Victoria travaille dans un bar à jus et s’étonne de la quantité de peau d’orange jetée chaque jour. Le binôme décide de faire de ces déchets alimentaires matière à objets et lance un crowdfunding qui s’avère aussi positif que leur partenariat avec une entreprise de jus de fruits de la région PACA. Peau, pulpe et pépins sont asséchés, réduits en poudre et chauffés jusqu’à prendre la forme d’une toute mignonne tasse à café. Simple, solide et biodégradable, elle préfigure une petite révolution dans l’univers des arts de la table. En cours de certification pour un passage au lave-vaisselle, les plats pourront, à la fin de leur cycle de vie, être recyclés ou compostés.
Et puisque la fabrication de ce petit mug occasionne des chutes, nos repulpeurs de la première heure les récupèrent pour fabriquer du filament à impression 3D. Cette utilisation de leurs propres déchets leur permet de développer une gamme de luminaires « Citrus Paradisi » dont les traits coquillés rappellent les criques du Sud et dégagent une micro odeur sucrée d’escale méditerranéenne.
L’idée innovante : Un matériau vertueux, polyvalent, doté d’un capital créatif fort. Biosourcé, robuste et recyclable, le matériau issu des pelures d’agrumes s’insère dans un cercle vertueux qui promet une véritable alternative au plastique.
Le produit-phare : La tasse à café « Repulp » de 250 ml.
Le coup de buzz : Une mise en avant sur le site Made in Marseille a généré un nombre record de commentaire sur la plateforme et nous a offert une visibilité sur d’autres médias.
En quoi REPULP DESIGN est-il révolutionnaire ?
Victoria Lièvre : A ma connaissance, aucune entreprise en France ne s’est penchée sur les déchets d’agrumes ! Or, ils ne sont pas compostés pour cause de PH élevé. Cela représente 40 000 tonnes de matière première potentielle. L’orange étant le troisième fruit le plus consommé par les Français.
Et après ?
VL : Nous nous projetons sur du petit mobilier. Notre matériau brut se prêterait très bien à la scénographie de magasin par exemple. Nous avons beaucoup de demandes pour des plans de travail, des portes de placard. Nous développons le process pour que cela puisse être usiné.
C’est quoi : Du mobilier monoblocs et monomatière recyclé et recyclable.
Made in : Pantin
L’histoire de la marque : Komut pour « commuter ». Effet immédiat pour Philippe Tissot qui n’attend pas une transition écologique sur trente ans pour basculer dans le monde du décarbonné. En produisant des meubles à impact positif, il rend l’art de vivre plus que responsable dès aujourd’hui. A l’époque où il développait des projets architecturaux dans le béton, il brûlait ou enfouissait des centaines de kilos de moules coulés en silicone ou en polyuréthane. Il cherche alors à fabriquer des matrices recyclables à partir de composites dérivés de végétaux, mais le marché du béton, à grosse inertie, ne suit pas assez rapidement pour lui. S’impose alors l’idée de faire du moule un objet design en lui-même. Il rencontre une styliste d’origine taïwanaise qui travaille pour de grandes marques de mode. YuTyng Chiu se projette elle aussi dans un projet sustainable. Elle n’a jamais dessiné de meuble mais sait délivrer des émotions à travers les dignes. Elle imagine des collections de tables basses et d’assises : « Kilometers » aux courbes sinueuses, « Aller-retour » au rendu plissé, « A4 » sans ligne droite ni angle vif. Dans ce monde nouveau, les dégradés sont des accidents, le post-traitement n’existe pas, la production se fait à la demande et tout se revalorise en meubles. Ce n’est pas pour rien que la dernière collection reflète la lumière et s’intitule « Paradise ».
L'idée innovante : Une neutralité carbone atteinte grâce à des robots gloutons qui se délectent de rebus selon un mode de production neutre en carbone.
Le produit-phare : Le fauteuil « 0.9 km » qui, comme son nom l’indique, est imprimé avec 900 mètres de filaments.
Le coup de buzz : Une exposition de plus de six mois dans la manufacture de l’agence d’architecture Saguez & Partners en mars 2022, à Saint-Ouen.
En quoi Komut est-il révolutionnaire ?
Philippe Tissot : Le mobilier est une des plus grosses sources de gaz à effet de serre. Grâce à notre technique d’artisanat numérique, nous concevons une monomatière zéro déchet, neutre en carbone et circulaire. Ergonomiques, nos créations offrent une épaisseur cinq fois supérieures à la normale offrant une résistance et une durabilité sans fin.
Et après ?
PT : Nous allons continuer à créer des passerelles avec d’autres transformateurs comme le Pavé®. Cela contribue à créer une vraie industrie. Auparavant, le recyclé était masqué, on le trouvait dans les pare-chocs, dans les tableaux de bord. En le raffinant, on obtient des objets esthétiques qui ont une vraie valeur dans notre environnement.
C’est quoi :Un matériau constitué à 65% d’huîtres, de moules et de coquilles Saint-Jacques.
Made in: Rennes
L’histoire de la marque : Tanguy Blévin a un grand frère ostréiculteur à Riec-sur-Belon (Finistère Sud). Il prend conscience de la quantité de déchets issus de la conchyliculture : 250 000 tonnes de coquillages sont dirigées chaque année vers les zones d’enfouissement technique. Un coût écologique et économique important pour les collectivités. Avec ses amis d’enfance, Camille Callennec, Théo Joy et Maxime Roux, un Parisien passionné par la mer, il réfléchit à une utilisation de ce minéral en matériau très bas carbone et recyclable. En 2022, après deux ans de recherche et développement, la bande de copains crée l’entreprise Ostrea et présente son produit à la Paris Design Week. C’est la pêche miraculeuse. Tanguy se spécialise dans l’achat et la logistique, Maxime dans le marketing digital, Théo Joy gère l’aspect technique et numérique puisqu’il est responsable du LabFab de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne à Rennes, et Camille se mue en grand organisateur.
Ignifuge, résistante aux rayures, à l’eau et aux tâches, la matière en paillettes de coquillages qui naît de leurs efforts est similaire à du marbre. Elle peut se façonner en plateaux alimentaires, en tabourets, en carreaux. En tant que visiteurs l’équipe connaît bien Maison&Objet Paris. Les voici passés de l’autre côté du miroir… en cadre de coquilles Saint-Jacques.
L'idée innovante : Réduire l’enfouissement de centaine de milliers de tonnes de coquillages en fabriquant du revêtement et du mobilier bas carbone.
Le produit-phare : Des tables de bistrot et de réunion.
Le coup de buzz : La traction immense observée à la présentation de leurs prototypes et échantillons à la Paris Design Week, en septembre dernier.
En quoi OSTREA est-il révolutionnaire ?
Camille Callennec : C’est le premier matériau minéral biosourcé renouvelable. On ne puisse pas dans les réserves fossiles. Nous avons beaucoup travaillé sur la formulation (sans résine) et le procédé de production (sans four). Ce qui en fait l’un des matériaux recyclés les plus bas carbone du marché.
Et après ?
CC : Fabriquer des plans de travail de cuisines, des plans vasque pour les salles de bains et des comptoirs pour l’intérieur et l’extérieur. On vient de valider une série de mobilier avec l’agenceur Kipli. Et nous allons développer le revêtement de sol coulé.