Absolument. S’ils ont dû s’adapter, inventer de nouvelles pratiques, se remettre en question, le retour au salon ne fait aucun doute pour ces exposants « historiques ». Ils seront là en septembre et ils ont de bonnes raisons.
Annulés, repoussés, programmés, déprogrammés, les salons ont pris la crise de la Covid de plein fouet. Le secteur a vu son principe même, la rencontre, prohibé. Les contraintes ont poussé ces grandes manifestations professionnelles à proposer de nouvelles solutions à leurs publics pour continuer à travailler, présenter ou découvrir les nouveautés, vendre et acheter. Les marques et les acheteurs ont trouvé de nouveaux modes de collaboration.
Dès le mois de septembre 2020, Maison&Objet lançait sa première Digital Fair en pensant à ses fidèles 80 000 acheteurs et prescripteurs qui se pressent deux fois par an au salon. Au final, pendant 2 semaines c’est plus de 214 000 visiteurs professionnels uniques - dont 60% d’étrangers – qui se sont rendus sur la plateforme MOM, soit près de 3 fois plus que pour une édition “classique“. La pandémie a provoqué des remises en question, mais aussi des remises en cause : a-t-on encore besoin des salons ? Combien de fois par an ? Investir de telles sommes pour un événement de quelques jours seulement est-il aujourd’hui encore justifié
quand les nouveaux outils numériques semblent assurer le chiffre d’affaire ?
70 000€. C’est le coût de la participation au salon d’Objet de Curiosité. La petite maison est présente à chaque session depuis sa création, il y a tout juste 20 ans, et elle sera là en septembre prochain. Cela n’a suscité aucune discussion. « C’est une grosse pression, le salon, avec des enjeux financiers importants. Mais en même temps, quel bonheur d’y retourner ! », s’exclame Lilau Grange-Jaricot, co-fondatrice de l’enseigne.
Lorsqu’ils ont repris la société Mousse du Nord, il y a une vingtaine d’années, Éric Delpierre et son beau-frère et associé, René-Jacques Dufour, ont choisi d’être présents sur un tout jeune salon de décoration, Maison&Objet Paris, et de devenir alors le seul fabricant de canapés, « le plus gros objet déco du salon », sur cette manifestation. Pour cette rentrée, ils présenteront une fois de plus leurs produits rassemblés sous la marque Home Spirit au Parc des expositions de Paris-Nord Villepinte. « Maison&Objet Paris reste un incontournable, affirme pour sa part Grégory Allard. J’ai fait beaucoup de salons dans ma vie, ajoute-t-il, et sur la décoration, c’est le plus beau. Si vous voulez exister en tant que distributeur ou grossiste, il faut y être ! » Chehoma, dont il est actionnaire mais également directeur des achats et directeur artistique occupera elle-aussi un stand cet automne.
Du côté des acheteurs, la nécessité des salons n’est pas remise en cause. Même ceux qui se sont montrés les plus agiles et réactifs et ont largement exploité les alternatives digitales sont impatients de renouer avec l’expérience physique. « Le manque de salon est un réel problème pour garder l’esprit ouvert et créatif, cela permet de voir loin (…) et de s’émerveiller », déclare l’un des acheteurs interrogés lors de l’enquête menée auprès d’eux par Maison&Objet au mois de mai. « Le digital c’est bien, mais cela ne peut remplacer un contact direct avec un fournisseur ! », s’exclame un autre.
Chehoma est active et depuis longtemps sur le digital. Ses clients ont accès à une plateforme BtoB développée il y a plusieurs années en écho au développement des pure players de la distribution. 50% de son activité se fait sur le Web, 50% sur les salons. Privée de ces événements rituels, la marque belge s’est montrée ultra réactive pour aller à la rencontre de ses clients, organisant un “road show“. Soit deux semi-remorques chargés de nouveautés qui ont rejoint Lyon, Rennes ou encore Bordeaux pour présenter les produits une dizaine de jours dans un lieu choisi et sur rendez-vous. Un retour sur investissement colossal, selon Grégory Allard. Un succès qui ne les empêche pas de maintenir leur présence à Maison&Objet Paris. « Le salon est essentiel pour atteindre les gens qui ne vous connaissent pas », explique Grégory Allard dont les produits sont vendus dans plus de 60 pays et jusqu’au Ghana. Et pour atteindre les pays scandinaves, le “road show“ montre ses limites. « Sans salon, les clients achètent moins facilement des pièces chères qu’ils n’ont pas vues, ou seulement sur internet. Ils ont tendance à se replier sur des productions locales, on le voit déjà », constate le dirigeant de Chehoma. « La finalité, c’est la prospection, renchérit Éric Delpierre. Ce sont des portes ouvertes pour trouver de nouveaux clients et concrétiser les prospects qui viennent voir et toucher les produits ». C’est une stratégie de développement bien pensé à destination d’une zone géographique en particulier et parfois, un heureux hasard. « Un client du Kazakhstan qui a un projet d’hôtel, fait vite des commandes à plusieurs dizaines de milliers d’euros, explique Grégory Allard. Ces rencontres aléatoires sont un vrai moteur de développement et d’élargissement de la clientèle ».
Le salon est le lieu du networking. Un mot nouveau qui ne reflète pas l’intensité et la qualité des liens qui se nouent sur Maison&Objet Paris. « En 20 ans, j’ai tissé un réseau très, très important ! se réjouit l’ancien consultant Grégory Allard, avec les organisateurs, avec les acheteurs et avec les exposants qui font comme nous le même métier : avec leurs tripes !» Le salon permet de créer une relation de confiance qui a été utile pendant cette période où il a fallu se serrer les coudes. « Nous sommes une “boîte“ familiale, très proche de ses clients. Nous n’avons quasiment pas de turn-over. On a eu des hauts et des bas, mais les clients sont toujours restés fidèles. Ces moments de rencontre sont essentiels », explique pour sa part Éric Delpierre.
« Rencontrer les clients, se challenger, se demander ce que l’on va raconter comme histoire, comment on va présenter les choses, ça nous empêche de dormir mais c’est aussi une dynamique qui nous a manqué pendant un an et demi, s’enthousiasme Lilau Grange-Jaricot. C’est “challengeant“ et très dynamisant pour notre équipe de faire le salon ». C’est important de se savoir écouté et regardé avec bienveillance. Des changements progressifs d’emplacement nous ont offert la possibilité de monter en gamme. On a pu approcher des décorateurs et des architectes ».
« Il y a des rencontres improbables, des évolutions de marché », remarque de son côté Éric Delpierre, dont la société, Home Spirit, visait au départ une clientèle de retailers indépendant. « Aujourd’hui, le contract se développe. Nous n’en faisions pas il y a 15 ans. Nous en faisons une partie non négligeable aujourd’hui. C’est arrivé progressivement, au fur et à mesure des rencontres. Ce n’était pas une stratégie au départ ».
« Nous n’avons pas de showroom. On dit toujours que notre meilleur showroom, c’est le salon. C’est là où on donne le maximum. C’est là que nous montrons notre essence, notre savoir-faire dans l’univers du cabinet de curiosités qui est le nôtre, et dans toutes ses composantes, décoratives, scientifiques, avec notre connaissance précise des espèces… », explique la cofondatrice d’Objet de Curiosité. De son côté, Home Spirit travaille depuis plus de 15 ans à rendre sa production plus responsable, bien avant que le sujet ne devienne incontournable. « C’est devenu un axe important sur lequel on aime échanger avec les clients. On peut leur dire que l’on a réduit notre empreinte carbone, que 80% des achats sont faits à moins de 100 km de l’usine… notre entreprise, c’est nous ! Sur le salon, nous pouvons transmettre ses valeurs à notre clientèle ».
La complémentarité entre les activités hors ligne et en ligne n’est plus matière à discussion. La manière dont chacun se l’approprie en fonction de son activité est le vrai sujet. Home Spirit est inscrit sur MOM depuis le lancement de la plateforme en 2016. « On est très présent et on veut être ultra réactif à toutes les demandes. Le quotidien avec MOM est très intéressant. De façon plus linéaire, les clients nous approchent. On a beaucoup de contacts positifs et qualitatifs ».
Lilau Grande-Jaricot se pose, elle, la question de faire venir le digital dans le stand lors de la prochaine session. « Mais les clients ne viennent pas pour être sur les écrans, ils veulent toucher le réel. Il va falloir faire un mix des deux, constate-t-elle, faire rêver avec ce qu’on montre et montrer que ce que l’on a vécu sur le stand peut se prolonger sur notre site. Les deux se répondent ». Il lui reste quelques mois pour relever ce défi.
Il y a des intérêts quantifiables quand on participe à un salon, concrets, et il y a une partie qui est de l’ordre de l’impalpable. Elle nourrit la réflexion, forme le flair du professionnel, forge le métier. « Les grossistes comme nous prennent de gros risques sur un salon. Quand les stocks sont là, le salon, c’est le moment de vérité.
Dès les premières heures, on sait si ça va marcher. On y ressent les choses de façon beaucoup plus massive, commente de son côté le dirigeant de Home Spirit, ce qui va bien, les points d’amélioration. Les sujets abordés avec les clients et les prospects sont de vrais axes de travail pour le futur. Un salon comme Maison&Objet Paris, c’est une bonne source pour observer les évolutions du marché ». « J’aime bien quand les clients entrent sur le stand avec leurs yeux d’enfants. Il y a une magie que j’adore. Quand ils disent, en regardant un de nos objets, " Ça me rappelle un coquillage que j’avais ramassé enfant… ", on sait que ça a pris ». « C’est l’histoire d’une vie, un salon, il y a beaucoup de souvenirs, reconnait pour sa part Éric Delpierre. Et je vous passe les rencontres humaines, les super feelings, les poignées de main, les c’est parti on y va … et ça c’est génial ! »
Et vous, vous y serez, au salon ?
Par Marie Montuir
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09-13 SEPT. 2021
du jeudi au lundi