Santé ! Plus qu’une ivresse passagère liée à leur nouveauté, la croissance du marché des boissons sans alcool reflète un changement de comportement durable des consommateurs encouragé par la montée en gamme et l’originalité des produits.
En un peu plus de 10 ans, le Dry January lancé en 2013 au Royaume-Uni est passé de tendance à phénomène de société franchissant allègrement les frontières britanniques. Aujourd’hui, ne pas boire d’alcool est un choix beaucoup plus facile à assumer dans des pays ou la consommation de vin ou de bière est encore très valorisée. Et il est aussi plus réjouissant de le mettre en pratique. Les soft drinks, sirops, jus de fruits ne sont plus la seule alternative. Le marché des Nolo, boissons sans alcool – No– ou avec peu d’alcool – Low – pèse aujourd’hui 11 milliards d’euros et le volume des ventes pourrait augmenter de 7% d’ici à 2026*. Si gin et bières sans alcool dominent encore le marché, des produits originaux se développent qui ne se contentent pas d’être « sans » et d’avoir pour seule ambition une déculpabilisation post gueule de bois. Démarche exigeante, image étudiée, promesse de bienfaits pour la santé, savoir-faire élaborés… ils entendent entrer dans les habitudes des consommateurs pour leur plaisir.
« A l’apéro ! », lance Valérie de Sutter quand on lui demande le meilleur moment pour consommer ses « spiritueux » obtenus par distillation et sans alcool. La baie de genièvre qui caractérise ses flacons est aussi la base du gin qu’ils évoquent. « Ce ne sont pas des boissons que l’on partage avec les enfants, c’est une expérience que l’on apprécie adulte », commente-t-elle. On the rocks ou en cocktails, elles ont de la longueur en bouche, de la tenue, l’originalité des boissons alcoolisées et elles apportent ce même kick qui rehausse habituellement Moscow mule ou Margarita. Le mélange de trois créations, le JNPR n°1, VRMTH n°1 et le BTTR n°1, soit genièvre, vermouth et bitter permet par exemple d’obtenir un Negroni que l’on pourra déguster frais et sans modération.
En quelques années, on est passé de boissons désalcoolisés, souvent très sucrées, au goût infusé ou produit par des additifs, à des nectars conçus sans alcool, avec des ingrédients naturels, healthy et aux propriétés mixologiques appréciées. Osco est préparé sur une basse de verjus, le jus des raisins verts récoltés avant maturité, et puise dans la flore du sud de la France ses autres ingrédients. Fleur de sureau, bergamote, romarin, noix, orange amère entrent dans la composition des apéritifs et pétillants sans alcool de Jardins.
« Plus qu’une boisson, nous proposons un vrai concept novateur. »
Encore vu comme une punition il y a peu, la boisson sans alcool est aujourd’hui revendiquée lors des moments festifs. Les bouteilles côtoient les alcools forts, les vins et les bières dans les caves et les épiceries fines auxquels s’ajoutent des modes de distribution moins attendus. Maxime Chaufour gère à Marseille deux boutiques de décoration et d’objets joyeux et créatifs à Marseille. Chez L’Ornithorynque , on trouve à côté du mobilier, des luminaires et d’une sélection lifestyle, d’élégantes bouteilles de boisson sans alcool. Celles de la marque française Shogga et, depuis leur apparition sur le marché, celles des Belges de Gimber. « J’ai commencé à en proposer il y a 6 ans, parce que j’ai apprécié le produit quand je l’ai découvert et parce qu’il créait une petite surprise dans mon offre », explique Maxime Chaufour. « C’est un produit cadeau original qui remplace les chocolats ou le bouquet de fleur », poursuit-il. La « petite surprise » fidélise aujourd’hui une clientèle d’amateurs.
« Plus qu’une boisson, nous proposons un vrai concept novateur. Les boissons Gili allient une démarche durable - nous utilisons les déchets de nos ingrédients pour fabriquer des tisanes par exemple - une promesse de bienfaits pour la santé grâce aux composants du gingembre et bien sûr le sans alcool », explique Enzo Mazza, cofondateur avec sa femme Gaëlle de la marque belge. Il justifie ainsi l’intérêt des concepts store pour ces produits et la présence constante de Gili depuis sa création il y a 3 ans sur Maison&Objet. Les dégustations qu’ils proposent sur le salon, timides au début, attirent désormais une clientèle de caves à vins, épiceries fines, chaînes de restaurants, magasins de décorations et bien sûr, concept stores. Leurs produits se fondent parfaitement dans l’offre de ces enseignes lifestyle avec leur packaging soigné, leur look étudié, leurs gages de qualité et d’engagement environnemental affichés. « On doit placer la barre très haut, souligne Enzo Mazza, car il y autour de nous beaucoup de marques qui ont des propositions très intéressantes ».
« Le sans alcool évite les limitations que la loi Evin impose à la vente des boissons alcoolisées. Nous avons accès à un réseau de distribution plus large et nos jolies bouteilles sont compatibles avec une offre non périssable », complète Valérie de Sutter. « Elles rencontrent un public qui aujourd’hui assume de ne pas boire d’alcool, ce qui n’était pas encore évident il y a trois ans », poursuit la fondatrice de JNPR.
Dans ces conditions, le dernier verre avant de prendre la route devient tout à fait acceptable.