La mode et la maison ? C’est une longue histoire. Image de marque, diversification, créativité, le scénario semble immuable. Les acteurs sont eux de plus en plus nombreux et les propositions toujours aussi désirables.
Il y a des milliers d’objets pour la maison signés par de petites et grandes marques de la mode et au moins trois raisons à cette connivence chronique. Elizabeth Leriche, directrice du bureau de style éponyme, conceptrice d’un des espaces What’s new qui animent chaque session du salon Maison&Objet, observe depuis longtemps ces liaisons heureuses entre les deux univers. Dans les collections de La Double J, ils ont toujours coexisté. Sa fondatrice, l’Américaine et milanaise d’adoption JJ Martin, les conjugue constamment et à toutes les échelles. Toutes deux ont un point de vue averti sur ce mariage profitable, stimulant et souvent désirable.
« Les marques de mode s’empare du lifestyle, elles vendent un art de vivre général. On s’habille avec leurs vêtements et on vit dans leur esprit ». La récente nomination Pharell Williams comme directeur créatif homme de Louis Vuitton ne peut qu’appuyer le propos d’Elizabeth Leriche. Le choix d’un directeur artistique aux talents éclectiques - venu de la musique, développant des marques de streetwear, flirtant avec le design… - illustre bien cette volonté des maisons de mode d’étendre leur influence au-delà du vêtement.
L’incursion peut être événementielle. Les Loewe Chairs, une série d’assises métamorphosées en pièces uniques par un travail artisanal et créatif de cuir de raphia, apparaissent comme une démonstration de la créativité et du savoir-faire de la maison espagnole. « Ils démontrent qu’ils sont dans l’air du temps. L’exercice de style joue sur l’engouement pour l’artisanat aujourd’hui. La marque surf sur ce qu’elle sait faire » et retient l’attention en renouvelant l’émerveillement.
La collaboration entre Gaetano Pesce et Bottega Veneta participent de la même démarche. A Milan, les sacs conçus par le designer légendaire et peints à l’aérographe mettaient en valeur les techniques de tressage emblématiques de la maison italienne. L’installation immersive imaginée pour la boutique de la Via Montenapoleone ajoutait une théâtralité une hautement instagrammable à l’événement.
A ce jeu, une jeune marque comme La DoubleJ peut tirer son épingle : « Pour la semaine de la mode en septembre dernier, nous avons complètement investi une petite trattoria minuscule mais étonnante au milieu de Milan - nous avons fait les coussins, les rideaux, les menus, les tables, les fenêtres, tout - c'était comme un dîner DoubleJ pour la nuit ! », se souvient JJ Martin. Une intervention qui reflète parfaitement l’esprit de la marque et démontre sa capacité à joliment occuper les espaces.
Dans ce contexte, il est facile pour les marques qui évoluent historiquement dans le secteur du textile de développer des lignes de linge de maison. Zara Home est devenu un acteur incontournable du secteur de la décoration. Sa récente collaboration avec le designer belge Vincent Van Duysen, dont l’univers semblait pourtant bien éloigné de celui de cet empire de la fast-fashion, vient donner une nouvelle impulsion à son implantation dans l’univers de la maison. Chez H&M Home, draps et serviettes, tapis et torchons tiennent une place considérable aux côtés des objets déco et des arts de la table qui complètent un art de vivre où l’accessoire devient essentiel. Comme les fashionistas, on pimpe le look de la maison avec un plaid et des bougeoirs venus.
C’est un marché, mais aussi une attitude. Joyeuse et personnelle, si l’on suit la philosophie de JJ Martin : « Chaque couleur a une fréquence énergétique unique, et je crois vraiment au pouvoir d'amélioration de l'humeur des jeux de couleurs et de motifs. Les teintes plus claires et plus lumineuses peuvent rehausser l'ambiance de l'espace, tandis que les teintes plus riches et plus profondes peuvent être plus ancrées, plus apaisantes, tout ce dont vous avez besoin ou envie à ce moment-là. La maison doit être le reflet de votre moi intérieur et doit servir de sanctuaire, un endroit qui vous apporte de la joie ».
Une joie communicante quand la fondatrice de la Double J appose ses motifs sur des assises phares de la marque italienne Kartell. Tissu Kvadrat griffé Raf Simmons, fauteuil Locus solus de Gae Aulenti rhabillé par Simon Porte Jacquemus pour Exteta … Le co-branding et les collections capsules sont une manière pour les éditeurs et les fabricants de se frotter à l’univers de la mode et pour les créateurs d’élargir leur travail en s'appuyant sur des spécialistes du secteur.
La fondatrice de Ma poésie a lancé sa marque avec des foulards et des étoles aux motifs colorés et géométrique. L’univers graphique d’Elsa Poux, ancienne étudiante à l’Ensad et auteure d’un mémoire intitulé « Matières vécues et à vivre du siège », glisse désormais vers l’art de vivre avec des tapis et du linge de maison. Les frontières sont souvent poreuses entre la formation, les centres d’intérêt, les passions des créateurs et elles se dissolvent ensuite dans la diversité de leurs collections.
« La DoubleJ a toujours été, plus que tout, un état de cœur, un état d’esprit. (…) Très rapidement, nous avons commencé à produire des objets pour la maison. Tous ces projets étaient des décisions entièrement basées sur le cœur, des choses que j'aimais personnellement et qui m'enthousiasmaient », raconte aujourd’hui JJ Martin. « La DoubleJ, c’est la luxuriance, l’audace, le mélange, la joyeuseté », décode Elizabeth Leriche. Lors de la prochaine session de Maison&Objet, elle nous plongera dans un voyage vibrant au cœur des motifs avec la Pattern Factory… pour imaginer d’autres parures encore pour la maison.