Les influences méditerranéennes ensoleillent les intérieurs. Plus que des objets ou des matières, elles diffusent un art de vivre frugal et lumineux qui fait écho à nos nouvelles attentes.
Il y a les savons d’Alep à l’huile d’olive de Karawan Authentic ou les gros pavés de savon de Marseille de la Savonnerie du midi que l’on utilise depuis toujours pour l’hygiène corporelle ou en produit d’entretien pour la maison, et qui font aujourd’hui de parfaits objets de décoration dans les salles de bain avec leur esthétique brute.
Il y a les tapis, tissés ou tuftés, du Maroc à la Turquie. Il y a la céramique, terracotta épurée d’Oustao, petite et jeune maison française, ou faïences et porcelaines brillantes et colorées de Vista Alegre ou Bordallo Pinheiro, manufactures portugaises historiques. Il y a encore le terrazzo, technique de dallage répandue dans tout le monde méditerranéen, qui se déroule à nouveau sous nos pieds depuis quelques années et contamine la maison de ses motifs colorés copiés sur des textiles ou des papiers peints. Les formes, les tonalités et les savoir-faire de la Méditerranée semblent plus que jamais nous séduire.
Depuis une dizaine d’années, Take Caire s’inscrit comme un trait d’union entre l’artisanat égyptien et les jeunes designers européens. Sa fondatrice, Sylvie Blanchet, est une observatrice et une actrice avertie de cet univers créatif méditerranéen et de son renouveau. « Si l’on parle d’un point de vue esthétique, il y a un côté local, un retour aux sources, des aspects bruts et des couleurs qui rejoignent nos aspirations actuelles, note-t-elle. Il y a aussi l’attraction de la richesse culturelle de la Méditerranée. Il y a beaucoup d’Histoire et des liens communs entre tous ces pays qui ont entretenu des relations commerciales depuis toujours ».
Lors de la dernière édition du salon, Take Caire présentait des poteries de l’oasis de Fayoum, au sud de la capitale égyptienne. Le savoir-faire des potiers, hérité de l’époque des pharaons, a été revitalisé grâce à la curiosité et la passion d’une céramiste suisse, Evelyne Porret, tombée amoureuse de ce bout du monde. La création d’une école a fait naître quatre générations de potiers qui travaillent désormais dans ce village. Take Caire travaille aussi avec des dinandiers, des souffleurs de verre, des tisseurs, des tourneurs sur bois… Ces techniques sont pour la plupart communes aux pays méditerranéens, les particularités naissant de la qualité des matériaux et des moyens à disposition pour ces productions souvent frugales. « Le point commun, c’est la préservation avec plus ou moins de bonheur, de savoir-faire, de traditions dans la manière d’utiliser les matières, en Grèce, en Espagne au Portugal… ». Des maisons comme Honoré, établi à Marseille, font depuis longtemps raisonner dans leurs boutiques ces artisanats du pourtour méditerranéen. La proposition augmentée de leurs propres objets dessine un esprit méditerranéen où la douceur, l’authenticité des matériaux, le travail de la main sont valorisés.
Certains de ces objets n’ont jamais cessé d’être produits et utilisés dans leurs pays d’origine. Les verres Beldi, en verre soufflé recyclé, faisaient partie du quotidien des Marocains avant de se retrouver sur les étagères des jolies maisons de décoration. Depuis 1920 et sans discontinuer, la maison Bertozzi, en Italie, imprime à la main des lins ou des céramiques qui vont orner nos tables. Le procédé se réalise depuis toujours avec des tampons aux motifs sculptés dans des blocs de bois de poire et est éco-compatible, dans l’air du temps, comme les nouveaux motifs.
Les Editions Midi, établies en Provence, allient quant à elles, la vision créative de leur fondateur, Jérémie du Chaffaut, et des métiers de plus en plus rares. L’éditeur travaille ainsi avec le dernier chaisier de Camargue.
« Quand on vit dans un endroit ensoleillé toute la journée, cela influence votre vie. Je le sais d’autant mieux que je viens de Belgique ! s’amuse Christophe Penasse, co-fondateur de Masquespacio. Nos couleurs ont toujours été très vives, et même quand notre travail a été plus mature, avec des couleurs plus rondes, il y a toujours eu cette lumière ». La dernière collection du studio d’architecture d’intérieur et de design installé à Valence reproduit des pièces de l’intérieur privé de la créatrice colombienne, Ana Milena Hernandez, et de son associé et compagnon. Il n’y a pas de référence explicite aux traditions méditerranéennes dans leur univers exubérant et coloré, mais une imprégnation diffuse. S’ils explorent par exemple depuis longtemps les ressources de la céramique, si présente dans cette région espagnole, ils produisent désormais en interne leur dernière création, des vases audacieux imprimés en 3D et finalisés à la main.
Le textile fait partie des grands secteurs de production turque. Mais quand Green Petition fait des serviettes de plage, si utiles sur les bords de mer, leurs couleurs acidulées impriment un matériau réalisé à partir de bouteilles en plastique recyclées, celles qui envahissent la grande bleue. « Barro » veut dire « céramique » en portugais et c’est le nom d’une maison qui renouvelle le genre aux pays des azulejos. Leurs carrelages se distinguent par leurs couleurs fortes, actuelles, enrichies de reliefs. L’influence de la méditerranée dans la maison ne tient donc pas seulement à des techniques ou à des typologies d’objets. La puissance de l’environnement, des paysages et des couleurs, la persistance d’un art de vivre tourné vers l’extérieur, un mélange de douceur et d’âpreté continuent de nourrir une création qui, si elle doit beaucoup aux pratiques des aînés, se montre tout autant désirable quand elle sait s’émanciper.