A partir de sacs plastique ou de mégots de cigarettes, il crée des fleurs qui sont des œuvres d’art. Elles viendront orner les salons du Musée Cognacq-Jay où s’expose l’art de vivre au XVIIIème siècle.
« Notre époque est paradoxale » dit William Amor. « Le plastique est fait pour durer 400 ans, et on en fait des sacs jetables… » Artisan d’art autodidacte, ce parisien a inventé une nouvelle discipline : ennoblissement de matériaux délaissés. Entre ses mains, les rebus ont la distinction de l’or et des pierres précieuses. « Si l’on donnait plus de valeur aux sacs plastique, on n’aurait plus envie de les jeter, dit-il. Une robe de haute-couture, une bague de joaillerie, ça se garde. Et pourtant, au départ un diamant n’est qu’un caillou, la soie n’est qu’un cocon de papillon.» Apporter de la valeur à ce qui n’en a apparemment pas, c’est exactement ce qu’il fait. Dans son atelier de la cité artisanale de la Villa du Lavoir à Paris, son équipe passe des heures à transformer les matières premières glanées dans les poubelles. Ils en font des bouquets de fleurs poétiques, que commandent les grandes marques de luxe, les hôtels, et les collectionneurs internationaux. Un art délicat, de patience et de subtilité. Le nom de l’atelier : Les Créations Messagères. William Amor donne un autre sens au langage des fleurs : préservons la beauté du vivant.
Il lui a fallu des années pour mettre au point les techniques de valorisation, véritable Upcycling en mode majeur. Tout est parti de sa passion pour la nature, et en particulier les fleurs. « La première a été façonnée dans du papier de soie, il y a 15 ans. Puis j’ai pensé au plastique fin des sacs jetables. Je me suis mis à regarder partout autour de moi : le plumeau à poussières a fini en étamines de fleurs, puis ce sont les filets de pêche dépassant du sable sur la plage, et ainsi de suite… Pendant 15 ans, j’ai fait des tests de teinture, de façonnage… » A partir de mégots de cigarettes, il confectionne les petites boules jaunes des mimosas. « J’y ai vu la texture duveteuse qui donne l’effet parfait, dit-il. Mon travail a été de l’amener au rang de pièce d’exception, c’est ça le rôle des métiers d’art. Mon challenge est de révéler la beauté, de donner de l’émotion. Impossible de détecter le matériau de départ. Une petite poésie toute moche devient jolie. »
Pour Paris Design Week, le Musée Cognacq-Jay a invité William Amor à faire dialoguer son jardin avec ses collections d’art du XVIIIème siècle. Léguée à la Ville de Paris par les créateurs de la Samaritaine Ernest Cognacq et son épouse Marie-Louise Jay, la collection est éblouissante de raffinement. Outre les peintures de Fragonard, Vigée-Lebrun, Canaletto ou François Boucher, les salons exposent des meubles marquetés, des porcelaines et des objets précieux, plongeant le visiteur dans l’art de vivre de l’époque, avec pour décor les boiseries de l’hôtel Donon, demeure historique du Marais. Les fleurs y sont chez elles : sur les cadres dorés, les porcelaines, dans les paysages champêtres et jusque dans les coiffures des nobles dames. Aux roses de François Boucher répondront celles de William Amor, et puis des coquelicots, des iris et des bleuets, petites fleurs de bitume anoblies, elles aussi, à leur façon.